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—5 — On reconnaît ici l'ardeur juvénile, le magnifique espoir de tout fonda- teur de revue. Pourtant cette lettre, par le devis qui y est exposé, prouve la maturité d'esprit de Gobineau, peu décidé à s'endetter. La question maté- rielle, l'angoissante question des abonnements n'est pas oubliée, encore qu'elle soit en général le moindre des soucis chez les jeunes directeurs en- thousiastes que les affaires d'argent ne semblent pas intéresser. Il est fâcheux que je ne possède pas la réponse du beau-frère de Gobi- neau. Quoi qu'il en soit, ces quatorze mille francs ne purent être découverts et tout me laisse croire que le futur auteur de la Renaissance fut obligé d'avoir recours à la bourse de son ami royaliste de Kergorlay et à celle d'Adolphe d'Avril I, en attendant ces « huit abonnés » très hypothétiques par département. E] Le premier numéro de la Revue provinciale paraît le 15 septembre 1848. Il s'ouvre sur cette fière déclaration signée des co-directeurs, Gobi- neau et Kergorlay, véritable programme économique dont voici les princi- paux extraits : « La France veut à un égal degré l'ordre et la liberté ; ce qu'elle attend de l'avenir, ce qu'elle espère, ce qu'elle désire, ce sont des institu- tions qui lui garantissent la durée de ces deux éléments de tout bonheur public. «... Il semble donc que le remède aux plus grands maux qui affligent la patrie, doive se trouver dans le relâchement intelligent d'un nœud trop serré qui ne lie pas seulement, mais qui étouffe ; pour nous, qui entrepre- nons la Revue Provinciale, c'est l'objet d'une conviction dès longtemps acquise que la centralisation administrative, telle qu'elle existe en France, serait destinée, si elle durait, à amener la ruine du pays, soit par l'annihi- lation déjà trop démontrée des départements, soit par l'omnipotence déjà 1. Adolphe d'Avril, parent d'alliance de Gobineau, appartint comme lui au monde diplomatique. Tous deux s'aimaient tendrement. Non seulement d'Avril aida Gobineau dans l'administration de la Revue pro- vinciale, mais aussi lors de la publication de l'Essai. C'est lui qui corrigea les épreuves de ce fameux livre tandis que son auteur partait pour la Perse.