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— 3— milieu familier de Redon, quoique marié depuis deux ans et sur le point d'être père, Arthur se ronge d'ennui. L'idée lui vient de fonder une revue qui l'obligera à demeurer à Paris x où il n'a encore fait que de courts séjours auprès de son oncle, le terrible Thibaut-Joseph de Gobineau dont il parlera plus tard dans Ottar Jarl en termes savoureux. Ce projet le saisit et l'exalte. Sa belle énergie va s'y dépenser et peut- être que ce périodique, bien conduit, pourra rapporter quelque argent à son directeur, car à cette époque Gobineau est peu fortuné et vit exclusivement de sa plume. Le 3 juillet 1848, Gobineau écrit à son beau-frère, M. Jules Monnerot, inspecteur d'assurances à Marseille, la très curieuse lettre que voici : A Monsieur Jules MONNEROT Inspecteur d'Assurances Poste restante MARSEILLE REDON, 3 juillet 1848 Mon cher Jules, « Salomon lui-même et rien de moins va vous parler par ma bouche. Voici une idée que je rumine depuis quelque temps. Je voudrais fonder à Paris une Revue dite Revue Provinciale dont toute l'affaire serait, en dehors de tout parti politique, par conséquent s'adressant à tout le monde, de demander la décentralisation modérée, y traitant toutes les questions qui s'y rattachent, administration, industrie vinicole, commerce des ports, propriété rurale, etc. Je paraîtrais toutes les 5 semaines. Donc, ni caution- nement ni droits de timbre, trop forts, si on les rétablit. Je me ferais imprimer par économie à Saint-Cloud ou à Sèvres et je gagnerais ainsi un quart sur le prix de la composition. Je serais de 4 à 5 feuilles in-8°. Je paierais (à moi-même le plus souvent) 125 fr. la feuille, et en comptant logement, frais de bureau, imprévu, chaque numéro me reviendrait à 1. La sœur de Gobineau, Caroline, qui fut plus tard mère Bénédicte, à l'abbaye Sainte-Cécile de Solem- nes, nous a laissé sur cette époque de la vie d'Arthur, une manière de biographie inédite, déposée au musée Gobineau de Strasbourg. Elle raconte qu'Arthur partit une première fois pour la capitale, son voyage payé et cinquante francs en poche. « Il n'en restait pas beaucoup plus au foyer paternel, ajoute-t-elle, mais c'était un détail qui ne tourmentait personne ».