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      « J'ai omis de dire qu'à la porte de la salle était placé un bassin où chaque invité
déposait volontairement en entrant quelque menue monnaie.
      « Voilà, Monsieur le conseiller d'Etat, la relation aussi exacte que possible des
faits qui se sont produits dans cette réunion soi-disant privée. Il est évident que les
promoteurs des dites réunions travaillent activement pour arriver à bref délai à une
désorganisation sociale, en cachant leur but sous l'apparence d'une question économique.
      « Je termine en disant que les hommes qui dirigent le projet d'association inter-
nationale sont prudents et surtout très méfiants ; leurs circonlocutions oratoires indi-
quent bien qu'ils se croient toujours entourés d'agents de la police secrète ».
      Quelques semaines après cette réunion, une autre fut annoncée, devant être
tenue, celle-là, le 13 mars, dans la salle de la Rotonde *. Les délégations des sections
françaises et suisses devaient y prendre part.
      Le ministre de l'intérieur s'inquiéta de cette réunion. Le 9 mars, il demanda, par
dépêche, au préfet du Rhône, de « le renseigner ». Le ministre donnait des noms, des
faits, des chiffres. Il avait des précisions, des renseignements déjà et, dans une lettre
que lui adressa le préfet, en date du 11 mars 1870, celui-ci écrit au ministre : « Les
renseignements fournis à Votre Excellence sont parfaitement exacts ». Et il ajoute que
la « gravité de la manifestation projetée » n'avait pas échappé à « sa vigilance » « celle-ci
« était éveillée ». De plus, « l'autorité judiciaire était avertie ».
      A la suite de cette marque de confiance à l'égard de son chef et de lui-même,
 M. Sencier rendait compte de ce qui se passait à Lyon au point de vue spécialement de
l'Internationale et de sa propagande. On lira avec intérêt les considérations du préfet :
      « C'est il y a deux ans qu'on a tenté pour la première fois, écrit-il, d'organiser à
Lyon une section de l'Internationale 2.
      « L'initiative fut prise par un jeune homme de vingt-cinq ans, très intelligent,
très socialiste, Albert Richard. Mais les adeptes ne tardèrent pas à se diviser en deux
coteries : la coterie socialiste proprement dite et la coterie politique. On discuta, on
ne s'entendit pas et on se sépara, mécontents les uns des autres.
      « Cette «quasi dislocation» coïncidait avec la condamnation prononcée le 20 mars
1868 contre la section parisienne. Le travail de réorganisation avait été repris six mois
après sous l'impulsion d'Albert Richard qui, dans tout ceci, avait pour compétiteur un
sieur Martin dont l'ambition « paraît être de jouer le premier rôle aux lieu et place de
Albert Richard ».
      Le préfet, dans son rapport, ajoutait : « Quoiqu'il en soit, une commission chargée
de préparer un règlement spécial aux affiliés de Lyon, s'est, dans ces derniers temps,
réunie plusieurs fois ».

     1. La salle de la Rotonde était située dans le quartier des Broteaux.
     3. On remarquera que les débuts de A. Richard, à Lyon, dataient de 1865 et 1867. M. Sencier avait
raison de croire son ministre mieux renseigné que lui.