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— 115 — Lettre du commissaire de police de la Part-Dieu au préfet du Rhône, conseiller d'Etat. 27 février 1870. « J'ai l'honneur de vous informer que la réunion privée qui a eu lieu aujourd'hui à midi dans la salle des Folies lyonnaises, rue Basse-du-Port-au-Bois, n° 11, a eu pour objet de former une association internationale de tous les corps d'état réunis ayant la forme et le caractère d'une société de secours mutuels, dans le but de soutenir les grèves qui pourraient se produire. « La réunion se composait de 500 personnes environ de diverses professions. « Elle était présidée par un sieur Richard Albert*, demeurant quai Serin, 20. Tout autour de lui ont pris place, après nomination, les délégués de chaque profession. « Le président a ouvert la séance par un discours demandant à tous la concorde et l'union de leurs intérêts par la formation d'une société de secours mutuels non seulement en France, mais dans toutes les puissances de l'Europe. « L'orateur a dit que l'organisation de ladite société existait déjà en Angleterre et en Belgique et que, désigné lui-même pour la créer à Lyon, il était en correspondance avec les délégués des puissances étrangères. Il a ajouté que du fonctionnement de cette société dépendait le sort de la classe ouvrière ; que de son union, il devait résulter forcément son influence dans toutes les questions politiques à l'avenir ; qu'asservis pendant trop longtemps, le jour était venu pour les ouvriers de se débarrasser d'une tutelle gênante (le pouvoir du souverain quel qu'il soit). L'orateur a dit aussi qu'il n'y avait aucun danger à courir pour personne, qu'ils usaient d'un droit acquis et que ni la police, ni le pouvoir n'avaient rien à voir dans les affaires d'intérêt de la classe ouvriè- re. Enfin, il paraîtrait que l'orateur, sans faire des excursions directes dans le domaine de la politique, a fait pourtant quelques allusions en se servant des noms de Jean et de Jeanne. Tout le monde comprit qu'il voulait désigner l'empereur et l'impératrice. Et en terminant sa péroraison il a dit : « Citoyens, nous sommes dans l'ornière, il faut en « sortir victorieux ». « Deux autres orateurs ont été entendus, mais je n'ai pu savoir que le nom d'un seul qui est le sieur Placet, graveur, demeurant rue Masséna, 58, — lesquels avec beaucoup moins de talent oratoire que le sieur Richard, ont parlé dans le même sens. « Commencée à midi, la réunion s'est terminée à 2 heures trois quarts. Les mem- bres présents à cette réunion n'ont été admis que sur la présentation d'une lettre d'invitation personnelle nominative. Il y avait des ouvriers de Vaise, de la Croix- Rousse et de tous les quartiers de Lyon. Aucun chant ni cri séditieux ne s'est produit. L'ordre le plus parfait n'a cessé de régner tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la salle. « Avant de lever la séance, le président a fait connaître qu'une réunion générale aurait lieu dans le courant du mois de mars prochain sans indiquer le local où aurait lieu cette réunion. i. C'est l'auteur qui souligne (note de Véditeur).