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— 111 — autre.Les sociétés secrètes, les groupements, les comités, les groupes divers, dont on a la liste à peu près exacte, de 1848 à la troisième République x avaient préparé les esprits à recevoir, sans qu'ils leur fissent violence, les idées nouvelles dont Proud'hon, Fourier, Considérant et Blanqui leur avaient, dans le domaine politique et social, dessiné déjà les formes séduisantes. On pouvait donc semer dans le terrain lyonnais. On avait pris goût à la lutte. On accueillait les idées. La République était aimée, défendue et déjà proclamée dans certains esprits. On concevait que de telles idées d'émancipation ouvrière et sociale, défendues par Albert Richard, Charvoz ou Chapi- tet, suivant leurs propres moyens et leurs personnelles tendances, pussent et dussent même passer les frontières. Mais on écoutait avec attention, avec soin, avec prudence les orateurs. Ainsi fait-on à Lyon. Mais la police de l'Empire veillait. Elle devait interdire les réunions, mettre sous sa surveillance les « meneurs ». III Les meneurs libéraux et radicaux qu'Albert Richard ne flattait pas dans ses articles le tenaient en suspicion. Ils le désignaient donc ainsi, par leur attitude peu sympathique à son égard, à la méfiance des agents du pouvoir. C'est sur l'esprit des ouvriers surtout que le jeune socialiste agissait. Il avait, disait-on, fait intervenir l'Internationale dans les grèves de 1866 et avait fait distri- buer des secours aux grévistes 2. Mais toutes les propagandes individuelles faites habilement, toujours de façon discrète dans les milieux bien choisis, par des hommes sûrs et possédant les moyens de pénétration nécessaires dans leur milieu, ne parvenaient pas à gagner l'ensemble de la démocratie lyonnaise. Il fallut songer à l'organisation de grandes réunions publiques et c'est là que commence vraiment l'action des promoteurs de l'Internationale à Lyon, action que l'on situe exactement de 1866 à 1870. m Une dépêche chiffrée du ministère de l'intérieur, datée du 28 décembre 1866, 7 heures 10 du soir, donnait au préfet du Rhône l'ordre d'interdire une réunion devant avoir lieu le 30 décembre 1866. A cette date, le ministre de l'intérieur, renseigné par la préfecture, estimait que les membres de l'association étaient au nombre de 300. La campagne, après avoir été définie dans des programmes, dans des manifestes, prenait corps assez vite. Elle inquiétait les pouvoirs publics lorsque la police leur 1. Voir Dutacq, Histoire politique de Lyon en 1848. a. L'intervention fut démentie plus tard, ainsi qu'on le verra plus loin.