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il a écrit, dans l'oraison funèbre de son père : « La plus ancienne impression de mon
enfance me reporte au Cénacle de la rue Sainte-Hélène, où, parmi les bibliothèques dé-
bordantes de brochures et de livres, je voyais passer en un jour les robes de bure et les
soutanes violettes, l'archevêque d'Alger (Mgr Pavy) et Blanc Saint-Bonnet (le philoso-
phe), où je quittais les genoux du curé de Trévoux (l'abbé Jolibois) pour ceux de Sou-
lary. J'entends encore la vivacité des discussions où résonnaient des mots d'hébreu,
des phrases latines... ».
                                                        E]

     La France littéraire qui, en 1857, semblait prospérer, transféra ses bureaux, en 1859
et en 1862, au nouveau domicile de son directeur et déclina peu à peu. Dans son numéro
du 28 février 1865, Péladan annonce à ses lecteurs que la revue ne paraîtra plus que men-

 méchamment caricaturées de Lyonnais ou de Lyonnaises qui avaient été ses hôtes ou ses commensaux
 (les « Valentin », « Mlle Bidès », le « doyen de Théologie », et maints autres).
      Au cours de ce livre qui fit scandale, Nergal, dans une « ambulation nécromantique », nommait et jugeait
 les anciens collaborateurs ou amis de son père :
     « Le voilà (Nergal), rue Sainte-Hélène, il y trouve la grande moisson des souvenirs ; là son père fonde
 l'Horaire religieux du diocèse de Lyon et la Gaule littéraire, organe de la décentralisation intellectuelle »..
 « Là l'atmosphère même était hiératique et lettrée. Quel va-et-vient ! Prêtres et savants à l'allure grave ou
 distraite et criant fort en leurs perpétuelles contradictions. Péricaud l'aîné, cette vivante histoire de Lyon qui
 lançait l'épigramme barbelée ; Alexis Rousset, beau garçon et fat ; Bastide qui a emprunté à la botanique de
 nouvelles images ; Laprade, toujours envolé dans un beau rêve de païen mystique; Sauzet, l'ancien ministre,
 qui ne savait pas parler sans mordre un coin de son mouchoir ; de Jussieu, l'ex-préfet de police, toujours en
 habit boutonné et cravaté haut ; Blanc de Saint-Bonnet, ayant l'aspect sage et profond de ses ouvrages ; un
 philosophe nommé Molière, ce qui fit railler Nergal dans sa pension où il certifiait à un grand que Molière
 venait souvent voir papa; Saint-Olive, ce chercheur de l'histoire romaine, déjeuneur habitué de la colline de
Pierre Size ; Danguin. ce nouvel Audran ; Vernet (Vernay), un paysagiste égaré à la recherche des tons rares,
 mêlant les gaucheries de Manet aux préoccupations du Greco, un halluciné de la couleur à découvrir ; Cha-
tigny, élève de Chenavard ». Puis le fondeur Morel, l'abbé Chevrier « dom Bosco lyonnais », l'abbé Perrin,
 aumônier des prisons « qui, voyant dans la rue un pauvre sans souliers, lui donnait les siens et continuait sa
route nu-bas » ; Morel de Voleine, Soulary, Mgr Pavy, évêque d'Alger, que Peladan père reçoit un jour en
pantouffles et qu'il accompagne tout un jour dans Lyon sans s'apercevoir de « l'étrangeté de sa chaussure ».
      Les « recollections > de ses promenades du dimanche ramènent encore Nergal à Trévoux, chez l'abbé
 Jolibois r géographe hors-ligne » ; à Fontaines, chez M. Jacquemont, « un ancien magistrat ayant la distinc-
tion de l'honnête homme du temps de La Bruyère » ; à Sainte-Foy, chez le maire, M. « Vayout » ; à Chapo-
nost, chez les Jacquemet, « où il y avait dans le bois une légion de serpents, et dans la grande salle, une cen-
taine d'épées anciennes » ; à Safnt-Irénée, chez un instituteur, « ami de l'abbé Gourd », adorateur d' «Horace
et de l'amphore » ; à Valfleury, où Adrien Peladan fils sténographiait, sous la chaire, un sermon de Mgr Mer-
millod. « Tout cela, comme un kaléidoscope, se succède dans le porche de la rue Sainte-Hélène ».
      Nergal passe encore en revue les bouquinistes lyonnais d'antan ; il nomme « Soulary et Chenavard, les
abbés Guinan et Condamin, les frères Leman(n), Guimet, M me Louis Mond, le restreint Lyon qui pense et
œuvre » en 1886. (Istar, I, p. 87 et suiv. ; v. Critobule, P. Mariéton d'après sa correspondance, 1,225).
      29. Oraison funèbre, p. 23 (voir la note qui précède). Dans la même plaquette, le Sâr conclut, résumant
son roman et ses rancunes : « Cette ville où je suis né par une singulière ironie, belle d'aspect et presque
sainte de pullulements dévots est la plus bassement emporocratique du monde. Satisfaisant à la lettre catho-
lique, la Cité des Marchands, rebelle à toute culture, hostile à toute élégance, semble plutôt une Genève que
la Primatiale des Gaules. Pour le Lyonnais, l'Art se confond avec le péché et la beauté avec la luxure, et la
science avec l'hérésie, et la culture avec le vice. On y massacrerait Hypathia, on y méprise le talent : des
fourmis y amassent et des taupes s'y préparent à la mort chrétienne » (p. 23).