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siennes du chevalier romain Pompeius Paulinus I et la prospérité du com-
merce arlésien sous l'Empire, on commence par supposer que Pompeius
Paulinus I a été désigné au choix du Prince, pour la préfecture de l'Annone,
par le développement et la réussite antérieurs de ses entreprises privées.
     Je n'hésite pas, pour ma part, à l'inscrire au nombre de ces puissants
armateurs dont les deux grandes corporations, les Utricularii Arelatenses et
les Navicularii marini Arelatenses, trustaient respectivement le transit fluvial
sur le Bas-Rhône et ses affluents et le transit maritime de la Gaule avec la
Méditerranée jusqu'à Beyrout, où une inscription, découverte en 1899 et
datée de l'an 201, a décelé leur présence et manifesté leur activité au service
de l'Annone I. A nul plus qu'à lui, brasseur d'affaires absorbé par les soucis
dévorants de sa flotte et de ses marchés, il n'était besoin de démontrer la briè-
veté de la vie, la valeur du recueillement et de la spéculation désintéressée.
Sénèque a vanté les joies idéales de la retraite contemplative et le prix in-
comparable de Votium philosophique à un negotiator qui, au labeur, aux
préoccupations que lui imposaient la gestion particulière de ses capitaux 3 et
le succès personnel de ses combinaisons mercantiles, avait ajouté la terrible
responsabilité publique de la subsistance du monde romain 3 : in tranquillio-
remportumrecede*... Cogita,Pauline, quotfluctus subieris,quot tempestatespar-
timprivatas sustinueris, par tint publicas in te converteris 5. L'appel de Sénèque
s'adresse, non seulement au préfet de l'Annone que Paulinus est devenu —
partim publicas in te converteris —, mais au naviculaire arlésien qui n'a pas
cessé de trembler pour le sort de ses propres navires et de leurs cargaisons :
quot tempestates privatas sustinueris.
     Cette adjuration fut-elle entendue ? on en peut douter. Mais elle n'a
pas déplu à Paulinus, s'il est vrai que Sénèque l'ait produite en cette année
49 où, rentré d'exil et en faveur à la cour, il a épousé, pour ses secondes
noces, une Pompeia Paulina 6 que Tillemont croyait la fille du légat de Ger-
     1. Cf. la bibliographie de cette inscription ap. C , p. 209, n.i. On trouvera dans les pages qui précèdent et qui
suivent une bonne mise au point de tous les documents concernant les utriculaires et les naviculaires d'Arles.
    2. Ci.De brev. vit., XVIII, 3 : tu quidem orbis terrarum rationes administras.-, tam diligenter quam tuas.
     3. De brev. vit., XVIII, 4 : ut tibi multa milia frumenti committerentur... (5)... cum ventre tibi humano
negotium est.
    4. De brev. vit., XVIII, 1.
     5. Ibid.
     6. M. R. Waltz a essayé d'ébranler la théorie généralement reçue du double mariage de Sénèque (Rev.
des Et. anc, VII, 1905, p. 223 et suiv.). Mais il y aurait mauvais goût à adopter une thèse qu'il a été le pre-
mier à ne plus défendre dans sa Vie politique de Sénèque; Paris, 190g, p.71, n. 1. Voir en dernier lieu, la note
de A. Bourgery dans son édition de De Ira, XXXVI, 3.