page suivante »
HUMBERT MOLLIÈRE 301 Efforts inutiles, ce vénérable vieillard s'affaiblissait visi- blement, car le temps s'unissait à la douleur pour creuser rapidement sa tombe. En terminant, permettez-moi, Messieurs, d'évoquer ici un souvenir personnel. La passion de notre cher confrère pour le vieux Lugdu- num m'a valu plusieurs fois son aimable visite. Un jour, son regard semblait se porter avec joie sur le jardin des Minimes et sur ces toits qui avaient abrité son enfance : tout à coup, ses yeux se couvrent d'un voile de tristesse, comme si, dans sa pensée, le berceau se fût joint à la tombe : « Mes jours sont comptés, me dit-il, j'ai une de ces maladies qui ne pardonnent jamais ! » Qui de nous, Messieurs, aurait ajouté foi à ces tristes prédictions, lorsque sa physionomie nous semblait être l'indice d'une santé florissante ? Moins triste était sa pensée quand elle portait sur nos glorieux martyrs. Evoquant alors des souvenirs que les siècles qui se déroulent sont impuissants à nous faire oublier, il croyait voir encore la croix se dresser sur la colline, et, victorieuse des Césars, étendre ses bras sur la Gaule entière pour y répandre la justice et la paix. A l'ombre de cette croix que vous avez aimée, et si sou- vent témoin de vos prières et de vos larmes, vous trouverez la paix, cher et bon confrère. Sur cette terre que vous avez traversée d'un pas trop* rapide, hélas ! vous avez jeté chaque jour la bonne semence, cette semence que les ronces ne peuvent étouffer, que les oiseaux du Ciel ne sauraient ravir. Votre moisson est maintenant abondante, elle sera éter- nelle, et la terre bénite, qui va dérober à nos regards votre dépouille mortelle, sera pour votre âme le seuil de son éternelle félicité.