Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
246                  LA VÉNUS DE MILO

   Aussi jolie — a n'en pas douter — que celle de la Dame
blanche sur laquelle le maestro Boieldieu a brodé une de ses
plus ravissantes mélodies, cette main tenait-elle une coupe,
un miroir, un fouet, une lance, un bouclier ou une pomme
du mont Ida?
    Quelques savants libidineux sont d'avis que cette main
pouvait bien ne rien tenir du tout, et s'appuyait amoureuse-
ment sur l'épaule du dieu Mars.
   On sait que la capricieuse déesse donna — à ce guerrier
valeureux — de si fréquentes preuves de sa tendresse,
qu'elle se laissa surprendre — avec lui — en criminelle
conversation, par l'affreux Vulcain, qui trouva très drôle de
les entourer tous deux d'une grille imperceptible, et d'appeler
les habitants de l'Olympe à la rescousse, pour leur faire
constater — de visu — toute l'étendue de son malheur.
   Rien ne prouve, que — cédant à un de ces mouvements
de jalousie dont les Dieux, eux-mêmes, ne se montraient pas
exempts — Mars ne soit parti en emportant, comme un
précieux souvenir, les bras de sa maîtresse.
   Jusqu'à ce jour, la Vénus de Milo était restée un chef-
d'œuvre, on s'était tellement habitué à la voir sans bras que
pour rien au monde, on n'aurait souhaité la voir autre-
ment.
   La persévérance qu'elle mettait à dérouter les savants la
faisait apprécier davantage, on trouvait déplacé leur achar-
nement à la questionner sur son cas, cette persistance à lui
rappeler,— à chaque instant — ce qui lui manquait, au lieu
de nous laisser admirer en paix ce qui lui restait.
   Est-ce que la civilité puérile et honnête ne nous interdit
pas— d'ailleurs — d'attirer l'attention des passants sur les
infirmités d'autrui? Viendrait-il à l'idée d'un homme bien
élevé, de courir après les manchots qui passent dans la rue,




  /