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236 NÉCROLOGIE passer sans protestation ce que réprouvait sa droiture; il ignora toujours ce que Mallet du Pan nommait si bien le tourment du silence. On s'en convainc sans peine en lisant ses trois discours de rentrée, l'un sur Peiresc, l'autre sur le procès du maréchal de Marillac, le troisième sur Camille Jordan, celui-ci en particulier. Combattre le despo- tisme révolutionnaire, ranimer partout l'esprit de résistance modérée contre ses excès, défendre pied à pied l'ordre public et la liberté religieuse, ce programme du courageux orateur des Cinq-Cents, il l'avait fait sien. Mais peu à peu, mystérieusement, sa pensée repliée sur elle-même s'élargit et, peut-être sous l'étreinte de l'épreuve, s'éleva au-dessus des horizons terrestres. Embrasée d'un feu secret, elle alla puiser aux sources éternelles, elle devint pratiquement, franchement, exclusivement catho- lique. Un livre sobre et net, un livre qu'inspirait un respect presque filial et que conseilla l'amitié, la biographie de M. Th. Foisset, publiée en 1891, fut l'une des étapes du chemin parcouru dans cette vila nnova. Il ne resta pas la dernière. Son auteur conçut un autre rôle et se jeta sur un terrain qui lui parut plus favorable à l'action. Pour répandre sa foi, pour lui préparer de plus abondantes moissons, il appela à son aide la parole et la presse populaires, il se fit tour à tour journaliste et apôtre laïque. Arrêtons-nous ici de peur de franchir les limites de notre domaine. Si étroites qu'elles soient, elles ne peuvent cependant nous défendre d'ajouter un seul mot : à ses brûlantes convictions, Henri Boissard a donné sa vie. Qu'on les discute, soit : il a fourni du moins une preuve de leur sincérité. Il l'a donnée généreusement, comme il avait déjà sacrifié sa carrière à là justice. Il l'a donnée sciemment, puisqu'il savait que son dernier