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LOUIS BRIGUEIL ~ 173 vertu de la loi du 30 août 1883. Quel était donc son crime? En 1880,lors de l'application des décrets du 29 mars aux congrégations, M. Brigueil avait osé être indépendant : il avait obéi à sa conscience et, presque le premier entre tous ses collègues, s'était déclaré compétent pour connaître de la plainte des victimes de ces décrets. Ici, on nous per- mettra de laisser la parole à un simple témoin : « A d'autres époques, lit-on dans le Moniteur universel du 18 octobre 1883, un Garde des sceaux se fût honoré en confiant la première présidence d'une Cour à M. Brigueil dont tous les prédécesseurs avaient été promus à ces hautes fonctions. Il en était digne par son habileté de juris- consulte, par la finesse et la sagacité de son esprit, autant que par la droiture de son caractère. Sa réserve et sa modération étaient telles qu'on ignorait ses opinions poli- tiques, et les radicaux eux-mêmes le tenaient pour le plus galant des hommes. Quand l'avocat des Jésuites vint, le 6 juillet 1880, le prier de renvoyer le référé au tribunal : « Je vous comprends, dit-il, mais convient-il que le Prési- dent du tribunal de Lyon récuse la responsabilité ou s'abaisse à la partager avec ses collègues ? Non, non, montons à l'audience. » Et il rendit une ordonnance repoussant le déclinatoire du préfet. Ce fut son arrêt à lui-même ; depuis ce jour, il fut condamné. » Bah ! dira-t-on peut-être,, n'était-il pas aisé de le prévoir et qu'importait d'ailleurs une affirmation d'avance réputée stérile ? Dans une lutte à armes aussi inégales, seflattait-ilde vaincre la force? Sinon, pourquoi résister? Eh bien! si sceptique qu'il soit, le monde s'est pourtant incliné devant ce juge qui, seul sur son siège, se livrait sciemment en otage pour obéir à sa conscience,, pour honorer la justice, pour servir le droit et la liberté. N° 3. - Mais 1898. j2