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D'UN VIEUX GROGNARD 429 vouloir, du reste, attacher à votre conduite, vu votre jeu- nesse, plus d'importance qu'il ne convient, je crois qu'il sera prudent de ma part de ne plus vous accueillir aussi facilement. Je pense que, de votre côté, vous comprendrez qu'il est convenable de laisser en paix deux pauvres femmes qui, d'ailleurs, garderont de cette courte rencontre un charmant souvenir. Les observations de Mme Durand étaient si raisonnables, que je m'étonnai de ne pas me les être déjà adressées à moi-même. Je protestai de mon respect et de mes sympa- thies pour elle et sa fille; je me déclarai prêt à suivre ses conseils, et j'annonçai mon départ pour le lendemain. Mais une idée lumineuse jaillit soudainement de mon cerveau. En songeant aux leçons de l'abbé Velay sur les vertus des simples et aux merveilleuses guérisons du Grand-Pâtre, dont la Providence elle-même, sous les traits du chasseur, venait de me rappeler la préserîce si près de nous, je crus qu'il était de mon devoir de conseiller à Mme Durand une tenta- tive de ce côté dans l'intérêt de la santé de sa fille et j'offris de l'accompagner au Tanargue. Je lui racontai mes visites au Grand-Pâtre avec l'abbé Velay, la confiance que le sor- cier inspirait à mon savant précepteur et les cures qu'on lui attribuait. L'amour doublait sans doute ma conviction et me prêtait une véritable éloquence. Toujours est-il que l'étrangeté de mes récits frappa l'imagination de la pauvre mère qui, dans le désir de guérir sa fille, s'accrochait, comme le noyé, à toutes les branches. Et c'est ainsi qu'au moment même où je venais de recevoir mon congé en bonne forme, je me vis accepter comme un guide précieux pour conduire la chère malade auprès du grand guérisseur de la contrée. Le lendemain, pendant que mon cheval prenait un jour