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LJ : 344 * PREMIER AMOUR l'esprit. Quel mystère, quelle triste circonstance avait pu y donner lieu?Dans tous les cas, le mot jurait singulièrement avec la chose. Ma danseuse était non seulement vivante, mais charmante et le papillon noir s'envola aux premiers mots échangés avec elle. Je pus encore constater qu'elle était aussi sensée que gracieuse ; sa façon de s'exprimer, le timbre de sa voix, la nuance de ses regards, un je ne sais quoi répandu dans toute sa personne, me parurent exprimer une exquise délicatesse de sentiments. Elle m'apprit qu'elle était d'une paroisse du Bas-Vivarais et que sa mère, veuve d'un officier, l'amenait depuis deux ans aux eaux de Vais pour sa santé. Après la danse, je ramenai Jeanne auprès de sa mère, mais je ne pus résister un peu plus tard au désir de causer encore avec elle et je vins l'inviter de nouveau. La mère, voyant le plaisir que cette distraction causait à sa fille, ne fit pas d'opposition, et c'est ainsi qu'une partie de la soirée se passa pour moi dans un véritable enchantement. Quel contraste avec les habitudes calmes et monotones de la maison paternelle! Et quel attrait de nouveauté dans le spectacle si gai et si mouvementé de cette fête champêtre ! Ah! vraiment l'ancien temps dansait mieux que le nôtre. Il s'amusait pour de bon, au moins à Vais, sans tant de cérémonies, mais avec plus de naturel et de décence. Les danses prirent fin quand le soleil eut entièrement disparu derrière les montagnes de l'Auvergne. Alors seule- ment les étrangers se disposèrent à rentrer dans le bourg de Vais et la jeunesse villageoise partit pour regagner ses foyers.