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I46                     CROQJJIS NIÇOIS

    Pauvre pigeons !
    Fuyant la foule cosmopolite des joueurs, des rastaquouè-
 res, des cocottes (oh ! les vieilles cocottes qui remorquent
 d'affreux roquets en paletots), je me plaisais souvent à
 escalader les montagnes rocheuses qui font ceinture au riant
 azur méditerranéen. Les sentiers pris au hasard, à travers
 les cultures étagées en gradins, me conduisaient jusqu'aux
sommets tout dénudés, d'où l'œil embrasse des panoramas
grandioses. De la Turbie, puis plus haut, du Mont Agel, on
distingue fort bien l'île de Corse; la principauté a l'aspect
d'un relief géographique. Tout le long de la côte, c'est
l'éternel printemps de la chanson de Mignon : c'est un en-
 chantement. On se retourne, les pics neigeux des Alpes
maritimes étincellent au soleil : c'est la désolation. Le con-
traste est saisissant.
    A mi-côte, entre Monaco et Menton, est le village de
Roquebrune, amas pittoresque de maisons grises émergeant
de la verdure sombre des chênes-verts, des pins et des
citronniers. Avec ses ruelles tortueuses, en escaliers, voû-
tées de distance en distance, vrais coupe-gorge, et son
château aux murailles crénelées, ce village donne l'impres-
sion d'un ancien repaire de bandits.
    En dessous de Roquebrune, cachant Menton aux Moné-
gasques, s'allonge un promontoire boisé qui aboutit au cap
Martin. Là, était autrefois une petite cité romaine, Lumone,
dont un vieux mur subsiste seul.
    Ce sont des oliviers superbes qui boisent ce promon-
toire. L'olivier est toujours capricieusement branché; son
feuillage gris et ténu laisse filtrer l'azur du ciel et frissonne
au moindre souffle de la brise. C'est au cap Martin que je
m'installais de préférence pour admirer la mer et aspirer le
vent du large aux acres et fortifiantes senteurs.
    Toute unie, la Méditerranée a des reflets de satin ; mate