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                       RENÉ DE LUCINGE                     463

      Marguerite émue et tremblante jette un doux regard
   sur son époux, et attend la visite de René ; il arrive, por-
   tant pour la dernière fois le costume oriental ; il tombe à
   genoux devant la princesse, la contemple avec ravisse-
   ment, puis ses yeux se voilent, des larmes abondantes
   coulent sur ses joues décolorées. Marguerite, pleine de
   compassion et de reconnaissance, lui exprime les senti-
  ments de la plus tendre sœur.
      — Ma gratitude sera éternelle, dit-elle ; je vous dois la
  vie d'un époux adoré, mes vœux ardents montent pour
  vous vers le ciel ; que votre gioire augmente encore, que
  l'amitié, que la vertu vous consolent!
     C'était ainsi que la prudente duchesse plaçait le nom
  de son époux et les vœux d'une sœur dans l'expression
  d'une affection qu'elle voulait rendre pure et sainte.
      — Je ne vous verrai plus, Madame, dit enfin le triste
  René, et cet instant, qui passerait inapperçu pourtant
  d'hommes, est pour moi une céleste vision et un étrange
 mélange de joie céleste et de douleur profonde. Ma vie
 entière sera consacrée à vous aimer, à vous adorer dans
 le silence, à prier pour vous, et lorsque ce cœur, où vous
 régnez en souveraine, aura cessé de battre, une main
 amie vous rapportera votre rose blanche et votre por-
 trait.
     Cette entrevue, délicieux martyre pour René, ne pou-
 vait se prolonger ; il baisa la main que lui tendit encore
Marguerite, et, faisant appel à son courage, il s'éloigna
pour se jeter dans la litière qui le ramena au couvent.
Toute la journée, Marguerite fut triste et rêveuse ; lors-
qu'elle put se retirer chez elle, elle était brisée par la con-
trainte. L'amour respectueux de René lui inspirait une
douloureuse sympathie.
    Au point du jour, le duc et la duchesse se trouvèrent