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374                         IRIS

que le lendemain, dans la nuit, à une heure, nous nous
rendrions au cimetière et que nous déterrerions l'Iris et
non le mort, dont les parents seraient endormis à cette
heure-là.
   Effectivement, la lune luisait à peine ; nous arrivâmes
sans encombre à notre destination, Armé d'un long
outil de fer ressemblant plus à un poignard qu'à une
houe, il me semblait que, nouveau Jason, j'allais à la
conquête de la toison d'or. Notre opération fut heureuse
et je rentrai à l'auberge sans encombre, en serrant mon
trésor contre moi, que dis-jé, pourquoi ne l'avouerais-je
pas, contre mon cœur.
   On comprend avec quel soin j'entretenais ma plante,
que j'avais enlevée avec la motte; pendant tout mon
séjour, je l'arrosai et l'entourai de toute ma sollicitude.
   Lorsque je me décidai à rentrer à Alger, je pris un
jeune Kabj'le pour guide; il parlait le français à peu
près aussi correctement que je'parlais le kabyle, aussi
notre entretien se faisait-il en langue sabir, qui tient au-
tant de l'arabe que du français et autant de l'italien que
de l'espagnol et un peu du grec. C'est une langue essen-
tiellement méditerranéenne, aussi facile à parler qu'à
comprendre. Je ne puis mieux faire pour en donner une
idée que de transcrire la réponse que me fit mon guide,
auquel je montrais une énorme scolopendre qui ressem-
blait à un chapelet de cerises mûres se roulant dans la
poussière d'un sentier. Fajir comaco,"Fajir morto, me
dit-il en faisant avec son index le s'gne d'une bête qui
lui piquait le bras. Pas n'est besoin de dictionnaires
pour comprendre un langage aussi clair qu'expressif ;
c'est avec ce bagage linguistique que je me mis en route
à six heures du matin.
   Après avoir marché pendant cinq heures, par une