page suivante »
1 48 MON AMI GABttIEL ans et qu'elle n'a plus ni parents ni amis ; je n'ai pas cherché à en savoir davantage. Elle doit être Alsa- cienne, car l'éducation n'a pu faire disparaître une légère accentuation allemande. D'ailleurs, c'est une malade fort intéressante, et il est bien regrettable qu'elle soit condamnée... — Pouvez-vous,' reprit Charles, nous dire quel est son mal ? — Il est assez visible. La pauvre femme est au troi- sième degré de la phthisie. La science ne réussira qu'à prolonger sa vie pendant quelques semaines. Je ne com- prends pas que les médecins l'aient envoyée ici dans un pareil état. Mais elle ne repartira p a s . . . Gabriel, qui était entré depuis quelques minutes, en- tendit la fin de cet entretien. Quand le docteur eut fini de parler avec le calme d'un homme du métier, il y eut un instant de silence ; son récit avait jeté une ombre sur la gaîté un peu bruyante de ces jeunes hommes. Gabriel passa la main sur son front à plusieurs reprises et fit des efforts pour ranimer la conversation. Quelques-uns de ses amis commencèrent à tirer leur montre et à se lever pour sortir. Alors le maître de la maison distribua des poignées de mains à droite et à gauche, et dit au docteur : — Je vous retiens un instant, Albert ; Ml me semble que Louise a un peu de fièvre. — Puis, me prenant la main, il me regarda comme s'il eût voulu me dire quel- que chose; mais il n'ouvrit pas les lèvres et je compris son hésitation : — Au revoir, lui dis-je, et à bientôt, n'est-ce pas ? Le docteur me réjoignit au bas de l'escalier. — Elle a un peu de fièvre, me dit-il. Le babil de ces femmes l'a un peu étourdie. Mais que diable a son mari ?