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42 AU MONT-D'OR Notre attention se concentre alors sur le Verdun. Ce n'est plus aujourd'hui la jolie montagne aux contours gracieux et aux pentes si vertes qu'évidemment elle leur doit son nom. Les grands pâturages que l'on grimpait autrefois avec tant de plaisir sont coupés par une route militaire, fort belle à la vérité, mais qui leur retire cet aspect sauvage qui leur donnait tant de caractère et de charme. Un seul des sommets est resté intact et sur l'autre, le plus élevé, s'achève la forteresse dont les bas- tions dominent déjà tous les travaux de défense qui s'exécutent sur le Mont d'Or et qui avant peu en auront fait une véritable citadelle. Le Mont Thou, lui aussi, subit la loi commune; une redoute se construit à son sommet et le tertre sur lequel nous sommes ne sera bientôt plus qu'un souvenir. Re trouver a-t-on quelque part l'admirable vue d'en- semble dont le croquis trop imparfait que nous avons essayé de tracer, tout à l'heure, ne peut donner qu'une bien faible idée, la retrouvera-t-on tout entière? Nous devons dire que non. C'est fini ! Car il sera permis à bien peu de monter sur le parapet de la redoute du Mont Thou ou de s'élever sur les bastions supérieurs du fort du Verdun. Aussi, tout d'abord, en voyant la montagne se transformer de toutes parts, éprouvons-nous un ins- tant de regret, mais un instant seulement ; nous aimons trop notre pays pour ne pas préférer à une jouissance artistique si grande qu'elle soit, tout ce qui peut faire sa force et assurer son indépendance. Aussi en face de cette croix qui restera debout, nous l'espérons du moins, en face de ce symbole du plus grand comme du plus divin des sacrifices, demandons-nous, du fond de notre âme, au souverain maître de toutes choses, de développer et d'entretenir dans notre patrie ces sentiments d'abnégation