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316 RENÉ DE LUCINGE chevalier qui dansait avec elle. Minuit venait de sonner au château. C'était mon tour de danser avec la princesse. Fatale faveur que je paie du repos de ma vie ! Bientôt, perdant la tête, j'entraînai Marguerite dans un. bosquet, et, me jetant à ses pieds, je lui fis l'aveu coupable d'un amour éternel. Aucune colère ne se peignit dans ses traits, mais une douce compassion. — Infortuné, me dit-elle, ignorez-vous que mon cœur est tout au héros dont je vais partager la couronne, et pouvez-vous oublier que ce héros est votre maître? Puis avec une sagesse adorable, elle me fit voir le danger de mon amour pour la vertu et mon repos. Je l'écoutais avec ravissement, et cependant elle m'enlevait toute espé- rance. — Vous serez entendue, Madame, lui dis—ie ; mais si vous voulez que je vive pour la vertu, donnez- moi une des roses qui couronnent vos cheveux, et ce pré- cieux talisman me donnera la force de vous fuir et de vous aimer dans le silence. Marguerite y consentit ; elle déta- cha une rose blanche de sa guirlande, et me la donna en me disant : — Chevalier de Lucinge, je compte sur votre foi ; vous ne me tromperez pas ; puis elle s'éloigna, et je restai plongé dans l'extase de ma céleste vision. Depuis, j'ai fait encadrer dans l'or la rose blanche de la princesse, et elle ne me quittera plus. Le lendemain, un gentil- homme savoyard vint me demander avec hauteur compte de ma conduite imprudente : « Vous êtes perdu, René, me dit-il ; on vous a vu aux pieds de la fiancée de notre maître. Vous allez être déclaré sujet déloyal et perfide, et vous serez brisé par le juste courroux de Philibert-Em- manuel. » Ces mots allumèrent dans mon âme une vio- lente colère. Hélas ! mon oncle, c'est en gémissant que je m'avoue coupable ; le marquis de Seis, irrité, tira son épée, et, après une lutte de quelques instants, je retirai la mienne fumante de son sang ; je l'avais blessé à mort ;