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RENÉ DE LUGINGE 379 et dotant l'intérieur ds l'île des bienfaits de l'agriculture, il en fit une terre fertile et productive. René fut pénétré de respect à la vue du héros ; sa taille, petite et bien prise, annonçait la force ; sa figure qu'enca- draient de longs cheveux blanchis par les neiges de qua- tre-vingt cinq hivers, respirait la douceur et la bonté ; ses yeux lançaient eucore des éclairs ; une noblesse in- comparable présidait à toutes ses actions. Il accueilit avec affabilité le jeune Savoyard, lui promit l'habit de l'or- dre et l'autorisa à commencer ses caravanes, après avoir fait ses preuves de noblesse des côtés paternel et maternel. De toutes parts, l'enclume et le marteau retentissaient dans l'île ; le palais du grand-maître s'élevait dans l'an- cienne ville de Malte, l'église Saint-Jean sortait de ses fon- dements, et de nouvelles constructions faisaient du château Saint-Ange ce nid d'aigle dont Soliman disait n'avoir à redouter d'autre attaque que celle du roi des airs. René admira le bon ordre, la soumission et la discipline qui régnaient dans cette nombreuse réunion de chevaliers de pays différents, tous religieux, sobres et chastes, et n'ayant d'autre but que la gloire de l'ordre ; les épreuves terribles que venaient de traverser tant de nobles et géné- reux chevaliers, tous de naissance illustre, leur mettaient au front l'auréole du martyre. René trouva une douceur extrême dans son vœu de cé- libat ; c'était un engagement avec son cœur de ne lui donner d'autres aliments que sa passion malheureuse. Il considéra aussi son éloignement de son pays et de sa fa- mille comme une juste expiation de la mort du marquis de Séis. Cependant, aucune lettre nelui arrivait de la Savoie. Son père, plus irrité que jamais, après un duel de Charles, son fils aîné, avec celui du marquis, où il avait été gravement blessé, ne voulut pas même lui envoyer ses pa-