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                        CLAUDE MERMET                   437

il n'avait pas de quoi régler ses dépenses avant de r e -
tourner à Saint-Rambert.
   Or, à qui s'adress.r pour se tirer de cet embarras ?
   Les demandes d'argent sont particulièrement pénibles
aux artistes et aux poètes, dont l'ime délicate redoute un
refus. Les Lyonnais avaient acclamé le jeune poète du
Bugey, mais lui prodigueraient-ils leur argent avec le
même empressement que leurs louanges ? Mermet se
hasarda, non sans inquiétude, à solliciter la bienveillance
et la générosité d'un gentilhomme savoyard, et pour
augmenter ses chances, autant que pour voiler son an-
xiété, il lui fit sa demande en vers.
  Je n'ai pour ressource, disait-il à son protecteur, que
de vendre mon bon cheval auquel je tiens, mais ce me
sera une grande douleur :


     Premièrement, le jour de samedy
     En ce Lyon, j'arrivis à midy,
     Et m'en allys, pour bien mon cas comprendre,
     Droict au logis de Sainct Claude descendre,
     Où mon cheval, cinq jours, m'a attendu
     Et chaque jour, dix sols m'a despendu,
     Et de ce pas, pour moins frayer, exprès,
     M'allis loger en un lieu tout auprès,
     En m'accostant là d'une tavernière
     Qui m'a traitté d'assez bonne manière.
     Or je ne sçay si je doibs entreprendre
     Soudainement mon joly cheval vendre.
     Si je le vends, quel prix que l'on m'en donne,
     Sans lance, à pied, m'en irai en personne.

  Puis il termine sa douloureuse requête par ces mots
qui révèlent sa honte et son angoisse :

     Dites-moydonc, sans plus me faire attendre,
     Par lequel bout je doyve mon cas prendre.