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230               GRIMOD'DE LA REÃN1ÈRE

   Abstraction faite de sa musique, laquelle, en résumé,
est supérieurement traitée dans la partie technique et
ne se traîne pas dans les lieux communs, Wagner a,
non pas révélé, mais repris un système, le seul acceptable
pour l'opéra, celui de composer sur des sujets mytholo-
giques et non sur des réalités plus ou moins historiques.
Faire chanter une romance ou un rondo à Jeanne d'Arc,
à Charles VI, à un personnage étiqueté dans l'histoire
moderne, cela choque par trop le bon sens.
   Iphygénie, Antigone, Orphée peuvent parler en vers et
même chanter leur poésie — les héros de la mythologie al-
lemande doivent avoir le même privilège— avec eux nous
sommes à l'aise, la fiction est complète, aucun détail ne
nous ramène à la prose terrestre. Costumes, figures, lan-
gage, tout est imaginaire, c'est un monde à part, le
monde des féeries, monde vrai de l'art musical qui ne
correspond à rien de fixe dans la vie ordinaire. Je n'ap-
pelle pas musique nos chansons où les paroles seules ont
un rôle compris et que toujours on chante en sacrifiant
la rhythme et le style au profit d'une accentuation peu mu-
sicale des paroles. La vraie musique, symphonie, sonate,
quatuor, final-d'opéra, simple mélodie même, quand
elle est inspirée et ne vieillit pas, la vraie musique ne
correspond à aucun acte physique, à aucune expression
déterminée, sauf de rares exceptions. En cela, Gluck en-
trait dans une voie périlleuse, conduisant à la suppression
même de la musique, sous prétexte de la vérité musicale.
Le chant devenait déclamation, appelait à son aide le
geste, le costume, les décors, les imitations puériles dues
aux diversités des timbres de l'orchestre. Fort heu-
reusement, les compositeurs secondaires seuls ont abusé;
le vrai génie surmonte toujours un système. Gluck fait
chanter en maître Orphée et Armide, Meyerbeer trouve