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366 mis A l'époque dont je parle, le fort de Napoléon était à peine installé sur les sommets de Souk-et-arba. Ce n'était donc pas sans quelques difficultés 'que les pékins pénétraient dans ce pays exclusivement occupé par l'armée. Je pris le parti le plus sage en pareil cas : c'était d'aller en voiture publique jusqu'à Dra-el-mizan, route de Delys, caravensérail, situé dans lajplaine du Sebaou, près duquel un marché considérable se tenait toutes les semaines. Les marchés arabes ont été décrits trop souvent par des plumes plus autorisées que la mienne pour que je dé- peigne ce qui a été si souvent illustré par la gra- vure, la peinture et la prose d'écrivains distingués. Cependant ces grandes réunions d'hommes et de bêtes sont si pittoresques, qu'il y a toujours à glaner et que l'observateur y découvre toujours un petit coin nouveau. Les impressions de l'âme sont plus ou moins influencées par l'iihagination, même devant la réalité des choses; ainsi, j'étais avec un compagnon de route qui ne compre- nait pas que je pusse trouver quelque poésie en face de sales Bédouins, se roulant au soleil dans la poussière et poussant devant eux des troupeaux de chameaux, chargés de denrées, en face de jeunes hommes nus, montés sur des chevaux aussi vigoureux et aussi beaux que leurs cava- liers, rassemblant des troupeaux de bœufs et de moutons qui couvraient plusieurs hectares de terrain. Plus loin des médecins-chirurgiens arabes exerçant leur profession en plein air, accroupis au pied d'un palmier et entourés de leur suite, ils prenaient la tête de leurs clients entre leurs genoux, les saignaient à la tempe, et lorsqu'ils ju- geaint la saignée suffisante, ils ramassaient une poignée de poussière, l'appliquaient sur la plaie et leur mettaient leur fez par dessus, comme obturateur définitif. J'assis-