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MON AMI GABRIEL 139 VU M. Grésard vint passer quelques jours à Salins. C'était un hôte fort aimable, malgré la solitude dans laquelle il s'était cantonné toute sa vie. 11 avait bien, le cher homme, conservé certaines manières surannées, et sa toilette n'était point copiée sur les modes des boulevards. Mais, du moins, l'oncle Philibert n'.ivait pas adopté ce sans-gêne parfois excessif qui s'est introduit de nos jours dans la société, et le respect de la femme restait à ses yeux le premier principe de la chevalerie française. Voilà pourquoi Mme Delprat professait pour M. Grésard une estime voisine de la vénération. Elle attendit son arrivée pour la réception d'amis par laquelle on devait fêter la guérison de Mroe de Sérona. Vivant à Salins toute l'année, les Delprat voyaient né- cessairement toute la petite société locale. Mais comme ils étaient d'humeur fort hospitalière et que leur maison occupait à peu près le premier rang dans la ville, chaque année, pendant la saison des bains, certaines familles étrangères qui leur étaient • recommandées trouvaient chez eux cet accueil plein de cordialité et de bonhomie qui est devenu proverbial dans le Jura. Au jour fixé, les invités furent nombreux et la fête charmante. Le dessus du panier de la ville et des bai- gneurs s'y trouva réuni, et le salon de Mme Delprat était déjà rempli déjeunes femmes élégantes, lorsqu'on annonça Mme de Sérona. Tous les regards se portèrent curieusement sur Nelly. Sa taille souple et gracieuse, ses grands yeux noirs en- cadrés dans des touffes de cheveux blonds et une toilette d'un goût simple formaient l'ensemble le plus séduisant