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6S MON AMI GABRIEL pas se sentir seul, c'est le bonheur le plus nécessaire... » Ce jour-là , on ne rentra qu'après Y Angélus du soir. Malgré l'heure avancée et quoique exténué de fatigue, Gabriel voulut aller jusqu'au chalet. Nelly était debout sur le seuil de la.porte, la tête et le visage à demi cachés sous une mantille blanche, qui, faisait paraître son teint légèrement coloré. Dès qu'elle aperçut son ami, elle descendit les degrés pour aller à sa rencontre. — Puisque vous voilk, dit-elle avec entrain, faisons une petite promenade autour de la pelouse. Je suis beaucoup mieux aujourd'hui, et il fait si chaud !... Ôh ! ne craignez rien. Le docteur m'a autorisée à sortir, et vous savez combien il est prudent. 0 'avoue que ma santé est la plus fantasque du monde... Chez moi, l'âme use le corps, et c'est elle qui le soutient par moments. Tous deux foulaient à pas lents le sable de l'allée principale et se dirigeaient vers le petit ruisseau qui formait une limite naturelle au préau de l'habitation. A travers le feuillage grêle des vieux saules plantés au bord de l'eau, le soleil laissait voir au couchant les derniers plis de sa robe orientale. La nature se taisait ; le murmure monotone des insectes n'en rompait point la suave harmonie ; l'air était chargé des enivrantes sen- teurs des foins, et déjà , pour éclairer une belle nuit d'été, le pâle croissant de la lune projetait sur les champs sa blonde lumière. Après quelques questions d'usage, Nelly s'était rem- fermée dans un profond silence. Des pensées de mé- lancolie venaient encore l'absorber ; mais son visage, loin d'exprimer la douleur, respirait le calme et le bien- être. Gabriel respectait sa rêverie et en savourait le charme.