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LE GRIMPION ÉTUDE DE MOEURS. Le grimpereau est un charmant petit oiseau qui se cram- ponne aux troncs des arbres, e( fait sa nourriture des in- sectes cachés sous leur écorce; il promène son investigation toujours de bas en haut, et gravit peu à peu jusqu'au som- met des branches les plus hautes. Le grimpion est un animal à deux pieds et sans plumes, né dans les classes inférieures ou moyennes de notre so- ciété, et qui s'efforce, par tous les moyens, de grandir, de s'élever, de planer au-dessus de la position où le ciel l'avait lait naître; on voit donc l'analogie qu'il y a entre le grimpe- reau et le grimpion, et comment le premier n'a fait que rendre justice au second en lui servant de parrain. Je renvoie a l'histoire naturelle les personnes désireuses ' de connaître les mœurs, les habitudes, le plumage, la struc- ture de l'oiseau que je viens de nommer. Quant au grimpion, qui manque a la nomenclature de Buffon, je vais essayer de le dépeindre a mes lecteurs ; et, comme il n'est pas fort rare dans notre ville, ils seront bien placés pour juger delà fidélité démon pinceau. Chacun de nous est amarré dans le monde par ses pa- rents, son quartier et ses relations habituelles, liens qui nous rattachent a la position où le sort nous a placés. On con- çoit que le grimpion consacre d'abord son savoir-faire a se soustraire aux câbles qui entravent son essor ascendant ; c'est un ballon qui doit avant tout jeter son lest pour mon- • ter aux nues. Cependant, rompre en visière à ses parents, tourner le dos à ses amis, quitter subitement son humble domicile, tout cela serait trop brusque, trop ostensible : il s'y prend d'une manière plus adroite. Le ménage du grimpion, soumis a sa manœuvre savante, commence par s'isoler peu à peu; il ne rompt pas ses amar- res, il les laisse se détendre et s'user; il renonce peu a peu et sous divers prétextes, aux occasions de se réunir a ses parents et a ses amis, des maux ou des chagrins sont mis •en avant pour motiver cette retraite et colorer ses refusa des invitations embarrassantes; le mari, incommodé par l'odeur du tabac, quitte son cercle, où lui-même fumait na- guère; la femme a des migraines et des douleurs qui lui