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LE PAGE DU BARON DES ADRETS. 378 effrayant spectacle était là étalant sa hideuse image aux yeux du baron des Adrets. Il était tête nue quoique le froid fût vif. Quelquefois il se penchais, pour mieux voir, d'autres instants il se promenait à grands pas comme une bête féroce dans sa cage, puis il s'arrêtait tout à coup les bras croisés sur la poitrine, l'œil en feu, les lèvres crispées. Il était beau et terrible à voir : c'était Satan sous une figure humaine, Tout à coup il frappa du pied, passa les deux mains sur son front comme pour en arracher les pensées qui l'obsédaient. Ses mains se trouvèrent mouillées par les larmes, il se retourna vivement vers l'entrée de la tour en portant la main sur la garde de sa redoutable épée ; il avait cru entendre du bruit ; et malheur à celui qui eût vu cette larme, il eût été son frère, qu'il l'aurait tué; ces larmes, si fur- tives qu'elles fussent, avaient eu cependant un témoin. Dans la vedette où veillait ordinairement la sentinelle, se trouvait un jeune page vêtu de velours noir. Sa figure était remarquablement belle; ses beaux yeux, d'un bleu foncé, étaient trop grands pour un homme, sa main, trop blanche aussi, se portait toujours à ses beaux cheveux noirs qui sortaient de dessous sa toque et tombaient en boucles soyeuses sur ses épaules. Il suivait le baron des Adrets dans tous ses mouvements; souvent ses mains se joignaient, ses yeux se levaient au ciel et semblaient implorer pour le terrible guerrier qui comme affolé avait repris sa promenade furieuse, et se frappait le front par intervalles. Quelles pensées terribles devaient l'agiter, lui si maître de ses sentiments. Il parlait tout haut comme à un personnage invisible : Ah ! les Guises me méprisent, disait-il, on manque aux promesses