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                     CHRONIQUE LOCALE
    Le lièvre est lancé, les chiens le suivent.
   .C'est toujours un beau spectacle de voir les forts poursuivre les faibles
 et leur souffler au poil quand il n'y a pas de danger.
    Si le lièvre était un lion, la meute serait moins hardie.
    Aujourd'hui que le sénateur est mort et qu'on relègue au Parc la statue
qu'on n'aurait jamais dû penser à mettre ailleurs, il n'est goujat d'Auvergne
qui, le lundi, n'ait le courage, entre la poire et le fromage, de demander
la fonte du bronze pour qu'on en fasse des gros sous.
    Quoique notre publication ail été à plusieurs reprises protégée par le
défunt, elle ne joindra point sa note au concert qui s'élève contre l u i , et
nous ne nous réjouirons pas de l'échec infligé à sa mémoire.
    Faire de l'ingratitude est pourtant fort bien porte, et c'est aussi com-
 mun que de frapper un ennemi à terre.
    Se venger sur un faible ou un innocent de l'offense faite par un fort ou
un puissant est aussi une petite lâcheté qu'on se ptrmet assez volontiers
entre hommes. « Vous imprimez le Courrier de Lyon, M. le Direcleur de
la Revue du Lyonnais, je rne désabonne à voire publication. » Il n'est pas
de jour que cela ne se fasse.
    A notre avis, la vertu n'a rien à gagner à ces accommodements.
    — Les dernières processions de la Fête-Dieu, favorisées par un temps
splendide, se sont déployées au milieu des empressements de la popula-
tion. Le cours des Chartreux a présenté un instant un spectacle idéal.
Ainay, Saint-Polycarpe, Saint-Jean, Saint-Nizier, ont soutenu leur vieille
réputation. Rien de touchant comme le reposoir de Saint-Paul au-dessus
duquel semblait planer l'ombre de Gcrson. On eût dit que là s'étaient ré-
fugiés l'âme et l'esprit du vieux Lyon.
    Par contre, la métropole des Gaules avait mis au grenier l'antique bannière
du Chapitre, le fier lion de Juda rappelant de si glorieux souvenirs. Nous
 aimions à la voir comme le soldat aime à contempler son drapeau déchiré par
Jcs balles. C'était pour les vieux Lyonnais plus qu'un lambeau de soie,
c'était l'histoire de la cité. Et pour comble de maladresse, on l'a remplacée
par un guidon venu de nous ne savons quelle ville étrangère, comme si
Lyon n'avait pas le privilège de fournir d'ornements sacerdotaux le monde
entier.
    Grâce à Dieu, le goût des ouvriers lyonnais n'a pas périclité, et l'affront
qui leur est fait sera sans conséquence.
    — Fatouma, la brune reine de Mohcly, est dans nos murs. Elle a par-
couru avec enthousiasme, nos quais, nos rues, nos promenades, a visité,
avec le plus vif intérêt, nos monuments, nos églises, et en particulier le
Palais du Commerce ; elle a témoigné une curiosité sympathique pour nos
musées archéologiques et a trouvé la plus grande ressemblance entre les
armes et les ustensiles gaulois et ceux de son pays. Elle a même examiné
les outils anté-historiques nouvellement découverts, s'enquc'rant de leur
usage et de leur provenance. Ce n'est pas si mal, nous semble-t-il, pour
une reine sauvage.
   — La rue de la Barre n'a plus rien à démolir, si ce n'est une aile du
grand bâtiment de l'Hôtel-Dieu ; on n'y touchera que lorsque la question
de l'Ecole de Médecine sera résolue.
    — L'orage a emporté dernièrement une de nos grandes fortunes lyon-
naises, M. L. , agent de change, avait créé une galerie de tableaux d'une
grande beauté. Les œuvres d'art, la bibliothèque, les meubles forment un
ensemble comme on en voit peu eu province. Tout va être dispersé sous
le marteau du commissaire-priseur. Encore un vide dans notre monde in-
tellectuel si éprouvé, si frappé, si diminué depuis quelques années.

                                AIMÉ VINGTRINIER,directeur-gérant.