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CINQ-MARS ET DE THOU. 113 pagnon. Pendant quoy, il (de Thou) regardoit d'un vi- sage asseuré et riant ceux qui estoient les plus proches, et levoit quelquefois amoureusement les yeux au ciel. Et s'estant teu (tû) pendant quelque peu de temps, il pro- féra cette belle sentence de saint Paul : — « Non con- temptqntibus nobis quœ videntur, sed quœ non videntury quœ enim videntur temporalia sunt, quœ autem non vi- dentur œterna. » « Ses cheveux t'oupés, il se mit à genoux sur le bloc et fit une offrande de soy-mesme à Dieu, avec des pa- roles et des sentimens que je ne puis exprimer. Il s'ad- voua !e plus grand pécheur et le plus criminel de tous les hommes ; mais que Dieu luy donnoit une si grande confiance en sa bonté, qu'il craignoit qu'il n'y eût de l'excès; témoigna un grand regret de sa vie passée, di- sant que si on luy eust laissé la vie il croyoit qu'il l'eust employée tout autrement qu'il n'avoit pas fait ; demanda à tous un Pater et un Ave-Maria, avec des paroles qui perçoient le cœur de tous ceux qui l'entendoient. Baisa le crucifix avec grand sentiment d'amour et de joye; de- manda les médailles pour gagner l'indulgence, puis dit : — « Mon Père, ne me veut-on point bander? »— Et comme le P. lui respondit que cela dépendoit de lui,il dit : — « Ouy, mon Père,il nie faut bander. » —Et, en sou- riant et regardant ceux qui estoient les plus proches, dit : — « Messieursje l'advoue, je suis poltron, je crains « de mourir. Quand je pense à la mort, je tremble, je « frémis, les cheveux me hérissent, et si vous voyez « quelque peu de constance en moy, attribuez cela à nos- « tre Seigneur, qui fait un miracle pour me sauver ; « car, effectivement, pour bien mourir en Testât où je