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                   J'AI RETROUVÉ MA CRAIE.                   433

 sous le poids de la rosée, et me forçaient â fouler aux pieds
 l'ombrage qui, quelques semaines plus tôt, aurait encore
rafraîchi m a tête.
    Dès que j'eus gravi le coteau qui domine le lac, et bien
que je fusse habitué à l'aspect de cette majestueuse nappe
d'eau, elle m'émut toutefois par la pensée que, dans quel-
ques instants, j'allais retrouver sur sa rive le séjour de
mes pères, déserté par moi depuis si longtemps.
    Je n'approchai qu'en tremblant du but de ma lointaine
promenade, et quand j'y touchai presque, le cœur me fail-
lit, et je m'arrêtai incertain si je ne devais pas rebrousser
chemin, plutôt que d'aller braver tant de ressouvenus à la
fois si doux et si pénibles.
    Toutefois, une circonstance qui me semble d'un heureux
augure me décida. Je trouvai toute grande ouverte une des
portes du "clos qui semblait m'en j faire les honneurs en
m'invitant à y entrer. Hélas ! si souvent je l'avais franchie,
qu'elle paraissait reconnaître sous les traits flétris du vieil-
lard qui s'approchait d'elle, l'enfant rose et vermeil devant
lequel elle s'ouvrait jadis.
    Je pénétrai dans la campagne, non certes au pas de
charge qui battait dans ma poitrine, mais lentement, pres-
que comme un malfaiteur qui craint d'être vu; je me rassu-
rai bien vite cependant, les habitants de la maison n'étaient
pas encore éveillés, les contrevents étaient clos, aucun
bruit n'annonçait la vie dans l'intérieur de l'édifice , que je
regardai longtemps en silence, plongé dans le tumulte de
mes pensées, lesquelles remontaient tristes ou rieuses la
longue avenue dupasse. Mes premiers parents "m'apparais-
saientles uns après les autres, aux lieux où je fus habitué
aies voir; ils étaient entourés d'une auréole de vertus et
débouté, et me semblaient des anges. Ah! certes, ils
furent, comme toutes les créatures humaines, entachés de
passions et de défauts inhérents à notre faible nature ; mais
ils jouissaient pour moi de ce bénéfice des morts, qui fait
que nous ne nous souvenons que des qualités qu'ils eurent,