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304 MACAULAY. Témoin de la faveur d'un genre littéraire dont le créateur et le maître était un de ses compatriotes, et comprenant qu'il y avait dans cette faveur même une préparation utile peut-être de l'es- prit public, Macaulay entreprit de combattre le roman en faisant mieux c'est à dire en donnant plus d'intérêt et de grandeur aux faits réels qu'aux faits d'invention. Quoi en effet de plus drama- tique et souvent de plus romanesque que la réalité? et dans tous les cas, quoi de plus saisissant, quoi de plus émouvant dans sa variété infinie ? Combien les aventures fictives sont peu de chose à côté des événements dont nous sommes les témoins journaliers, et qui viennent confondre par la grandeur de leur combinaison la petitesse des nôtres ! Ne dirait-on pas que le romancier et l'auteur dramatique n'ont d'autre souci que de rapetisser l'his- toire en l'a ramenant à la mesure étroite de leur conception, qui est malheureusement aussi la mesure plus ordinaire de la conception de la foule ? Non seulement Macaulay a entrepris cette gageure, mais il l'a gagnée. Là même où il a eu à lutter contre le grand romancier écossais et où celui-ci avait,on peut le dire, pleine carrière, dans la description des Highlands, et de la guerre telle que la faisaient les clans du nord de l'Ecosse, je n'hésile pas à le mettre au-dessus de Walter Scott, parce qu'avec lui je vois la vérité et non la fiction, parce que ses Highlanders sont des hommes en chair et en os, nullement poétisés, mais dont je comprends la rudesse, la téna- cité aux. traditions et aux haines héréditaires, le caractère grand et sauvage tout à la fois. Rien de plus saisissant que le singulier portrait de ces chefs de clans, tantôt infatigables chasseurs de montagnes qui combattent pieds nus à la tête de leurs hommes, tantôt courtisans raffinés, étalant leur élégance aux cours de Londres et de Versailles. Cette réalité là est assez poétique pour se passer de parure. Et ce n'est pas là , qu'on le remarque, un tableau isolé et d'un genre particulier. Non seulement la vérité peut être intéressante, mais elle le doit. Car l'esprit et le talent de l'historien consistent précisément à savoir choisir tout ce qui est de nature à satis- faire ce qui est pour nous une curiosité légitime , à ménager