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TRAITRE OU HÉROS? 3!5 prématurée, ou celle d'un homme qui laisse vide une posi- tion importante, ou lègue à ses enfants une mémoire illustre; les qualités qui le distinguèrent,le désespoir de sa veuve, les services que lui dut son pays, sont retracés avec les cou- leurs les plus saisissantes. Mais rien ne peut donner une idée des hurlements qui se font entendre aux funérailles d'un homme tué par son enne- mi: ce n'est plus ce rhylhme triste et lugubre qui fait couler les larmes, c'est un cri de rage et de désespoir ; ce n'est plus la douleur seulement qu'il s'agit d'exciter dans le cœur des as- sistants, mais les sentiments de haine et de vengeance dont la famille du mort est elle-même agitée. Soit qu'elle les éprouve ou feigne de les éprouver , la prœfica fait tous ses efforts pour les inspirer aux personnes qui ['écoulent. Elle a recours, pour cela, aux métaphores les plus hardies ; elle fait l'énu- méralion et le comple minutieux, pour ainsi dire, de tous les motifs de haine existant entre les deux familles; elle ravive toutes les inimitiés qui ont pu les animer l'une contre l'autre depuis les temps les plus anciens, toutes les vengeances qui les onts suivies. L'église et le gouvernement réprouvent et condamnent en vain cet usage ; il résiste à toutes les mesures prises pour en prévenir les funestes conséquences. Les montagnards du Cap supérieur se croiraient déshon- norés, si, avant d'aller reposer dans sa dernière demeure, un mort leur appartenant ne recevait pas cette marque au- thentique de l'estime et des regrets de ses proches et de ses amis (1). Ce n'est pas, à coup sûr, sans un violent effort sur elles mêmes, sans une surexcitation des plus étonnantes, que des femmes timides, ignorantes et sans culture, en généra!, peu- (1) V. La Marmora.