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80 QUERELLE DES ANCIENS à quoi bon remonter le cours des temps ? ce serait aller en sens inverse du progrès; il faut marcher en avant, et non nion d'une façon assez étrange : « toute la question de prééminence entre les anciens et les modernes... se réduit à savoir si les arbres qui étoient au- trefois dans nos campagnes étoient plus grands que ceux d'aujourd'hui ». Il conclut, on le prévoit assez, par la négative, et il affecte de croire que le principal mérite des anciens consiste dans leur antiquité même : « Nous ne faisons pas de difficulté de préférer ordinairement lesLatins auxGrecs,parce que entre anciens et anciens, il n'y a pas do mal que les uns l'emportent sur les autres, mais entre anciens et modernes, ce seroit un grand désordre que les modernes l'emportassent surlcs anciens. Une faut qu'avoir patience ;... nous pouvons espérer, ajoule-t-il avec ironie, qu'on nous admirera avec excès dans les siècles à venir pour nous payer du peu de cas qu'on fait aujourd'hui de nous dans le nôtre. On s'étudiera à trouver dans nos ouvrages des beau- tés que nous n'avons pas prétendu y mettre ! » Fontenelle nous donne lui- même la clef de sa préférence pour les Latins : « Dans le système que nous avons établi, cet ordre est fort naturel : les Latins étoient des moder- nes à l'égard des Grecs ». On le voit, c'était pour Fontenelle une opinion systématique ; on reconnaît un critique prévenu quand il parle « de l'éloquence et de la poésie, qui font le sujet de la principale contestation entre les anciens et les modernes, quoiqu'elles ne soient pas en elles-mêmes fort importantes ». Mais alors qu'est-ce donc qui peut avoir quelque impor- tance dans cette querelle ? Fontenelle continue : « Les Grecs et les Latins peuvent avoir été excellents orateurs ; mais l'ont-ils été? pour bien éclair- cir ce point, il faudrait entrer dans une discussion infinie et qui ne con- tenterait jamais les partisans de l'antiquité... — Je trouve que l'éloquence a été plus loin chez les anciens que la poésie ;.... j'en vois une raison assez naturelle : l'éloquence menoit à tout dans les républiques des Grecs et des Romains La poésie au contraire n'étoit bonne à rien, et c'a été toujours la même chose dans toutes sortes de gouvernements ; ce vice-là lui est essentiel ». [digression sur les anciens et les modernes). Là -dessus Fontenelle race du style d'Homère un portrait étrange que nous retrouverons plus loin. Voilà pour l'ensemble ; si nous entrons dans les détails, nous trouverons le même dénigrement : « Les Grecs sont harangueurs et rhéteurs jusque dans leurs tragédies ;— leurs tragiques ont des lieux communs sans fin... — Je crois qu'Eschyle étoit une manière de fou qui avoit l'imagination très-