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206 ESSAI SUR QUELQUES CHIFFRES cérémonie. Lorsqu'on lui eût répondu que ces frais s'élève- raient à dix millions de sesterces (cenlies), soit deux millions de francs, il s'écria : « Qu'on me donne cent grands sesterces, cenlum sesterlia (20 mille francs), et qu'on me jette si l'on veut dans le Tibre. » Le savant Oudendorp remarque avec justesse que le faux Vespasien ne demandait pour lui que la centième partie de ce que coûteraient les funérailles. Cette scène tout à fait inconvenante à notre point de vue devait néanmoins plaire à la populace de-Rome qui, sans tenir compte des grandes qualités de Vespasien, aimait a voir flétrir ce qu'elle appelait son avarice. Mais laissons de côté ce qui n'était qu'une ignoble plai- santerie, et venons à quelque chose de plus sérieux. Cet empereur qui fut réellement un grand homme nous a laissé un document précieux qui peut servir a nous donner une idée assez juste des finances de l'empire romain a cette épo- que. A son avènement au trône, il déclara publiquement que la République, pour pouvoir subsister, (ut respuhlica stare posset) avait besoin de 40 milliards de sesterces (qua- dringenties millies opus esse) soit 8 milliards de francs (28). Tel était alors le montant de la dette publique de l'empire romain. Et, par une singulière coïncidence, c'est à peu près le même que celui de la dette publique de la France dans ce moment. Malgré les ressources immenses que Ves- pasien avait à sa disposition, ce chiffre avait de quoi effrayer les maîtres du monde, car il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agissait pour eux de sommes actuellement exigibles et non pas de capitaux aliénés dont l'État n'aurait eu que la rente à servir. Le système des emprunts dont les gouvernements modernes ont si largement usé, n'avait pas encore été in- venté. Vespasien eut le courage de braver l'impopularité (28) Sueton, in Vespas. c. 16.