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310 THA1TRE OU HÉROS? prit dans son bureau uneéléganle petite cassette, l'ouvrit et en tira trois liges de myosotis que tenaient réunies deux longs cheveux noirs, noués avec celle grâce qui au premier coup d'oeil révèle dans l'œuvre une main de femme ; le nœud formé parThérésina avait été religieusement conservé. Le premier mouvement d'Antonio fut de le porter à ses lèvres ; mais il se domina et tendit silencieusement le bouquet à Ephisio, qui lui remit, en retour, la branche d'oranger. Le frère de Thérésina plaça alors sous les yeux de Mon- (alva, sans les lui abandonner toutefois, le bouquet de roses et le billet contenant le couplet. « Fleurs et promesses naquirent ensemble, dit-il, el n'auront eu qu'une même durée. Elles auront assez vécu, du moins, pour témoigner ensemble aussi conîre toi. » En môme temps, il déchira le billet, broya sous ses doigts les roses desséchées, el réunissant tous ces frôles débris dans sa main, s'approcha de la fenêtre entr'ouverte, souleva la jalousie et les jeta au vent. — « Puissent les vents, dit-il, d'une voix ferme, dont le calme sinistre contrastait avec les éclairs que lançaient ses yeux, puissent les vents disperser ces débris sur l'île entière comme autant de témoins accusateurs de ton parjure ! Puis- sent-ils y faire un vengeur à celle que tu as trahie, de tout cœur fidèle à la foi jurée ! puisse le tien, Antonio, puisse ton cœur contenir assez de sang pour payer d'une goutte de ce sang chaque larme que ton crime fera répandre ! » Tirant alors une balle de la cartouchière brodée d'or, qui serrait ses flancs et qui, plus ou moins ornée, entre obliga- toirement dans le costume sarde, il la jeta sur la table char- gée de fleurs et de livres qui le séparait d'Anlonio. —• « Reçois, Antonio, et comprends bien, ajouta-t-il, l'adieu que je te laisse. Il est le seul que nous puissions échanger dès