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TRAITRE OU HÉROS. 227 dans la cartouchière en cuir qui lui servait de ceinture (1). Un long fusil simple, de ceux que l'on fabrique à Tempio, était couché sur la lilière à son côté droit, comme un serviteur Adèle résolu à suivre jusque dans la mort celui qu'il accom- pagna dans la vie. Du reste, les vêtements du mort, tout maculés de sang, ne présentaient presque plus que des lam- beaux. Le funèbre cortège se dirigea chez le curé de la paroisse où je le suivis, et voici ce que me raconta le capucin : Un pâtre était venu la veille, dans la nuit, et sous ce même toit qui nous réunissait alors, réclamer son ministère pour un moribond auprès duquel il se chargeait de le conduire. Le Père n'avait pas hésité à répondre à cet appel ; il prit avec son guide le chemin de la montagne, cf après quatre heures d'une ascension des plus pénibles, il s'était trouvé au fond d'une espèce de caverne, en face d'un homme gis- sanî sur la pierre nue, et louchant, selon toutes les appa- rences, à ses derniers moments ! Cependant, la joie que sembla lui apporter la présence du religieux réagit subite- ment sur tout son être, au point de lui faire retrouver le sen- timent et la parole. Il prit la main du prêtre, la porta à ses lèvres avec respect, et, avant d'avoir prononcé aucun autre mot, se mit à réciter un ave Maria avec l'accent et l'effusion d'un cœur dont la prière vient d'être exaucée el qui remercie et supplie à la fois. Après avoir reçu du bon religieux les premiers soins et les premières consolations qu'exigeait son étal, le mourant put entrer dans quelques délails et sur sa personne et gur sa situation. Il lui apprit que huit jours auparavant une brigade de chevau-légers avait (1) Lorsque le Sarde est armé complètement, il porte à sa ceinture un grand couteau de chasse qui tient !e milieu entre le sabre et le poignard ; on lui donne le nom de Daghan ou Daga. SI. de la Marmora croit y recon- naître une arme dont l'origine serait due aux Maures.