page suivante »
320 TRAITRE OU HÉROS ? visseur sans que le malheureux père, qui mettait les menaces de ce dernier très au-dessus de la protection qu'eût pu lui promettre la justice, songeât à la faire intervenir dans ce marché du crime. Ephisio était donc devenu el l'effroi du pays et l'humiliation de la force publique dont il accusait l'impuissance ou l'inha- bileté. Le gouvernement eut recours à un moyen extrême : la tête du bandit fut mise à prix. Un Prégone publié et affiché dans toutes les communes de l'île, mit Ephisio Malipierri hors la loi et annonça que celui qui le livrerait mort ou vif recevrait deux mille écus sardes cl recueillerait la moitié des biens formant la succession du bandit, sans avoir à payer aucun droit au fisc. Plusieurs mois s'écoulèrent sans que cette mesuro eût été suivie de résultat. Dans cet étal de chose, il arriva un jour au colonel des che- vau-Iégers, à Cagliari, d'en témoigner son vif mécontente- ment en présence d'un jeune cavalier de son corps, du nom de Salvador Ulloa. — « Mon colonel, lui dit le soldai lorsqu'ils se trouvèrent seuls,il s'agit ici d'un marché où les acheteurs ne manquent pas, il est vrai, mais où ils seront pas entendus. Pour l'honneur de notre Sardaigne, les vendeurs, au con- traire, manqueront toujours ; tant qu'il s'agira de payer la léte d'Ephisio avec de l'argent, il ne se trouvera pas de mains pour en recevoir le prix, soyez-en sûr. » — « Et les raisons, s'il te plait, pour la juger ainsi ? ré- pondit le colonel. » — « Mes raisons, les voici : Ephisio est un brave ; vous savez ce que dit la chanson à son sujet : « L'aigle qui man- gerait une once de la chair d'Ephisio, verrait son aile en grandir de dix palmes. » Ephisio est trop expérimenté pour jamais tomber dans un piège ; la ruse seule ne peut rien