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TRAITRE OU HÉROS? 409 tion, je vous offre de la réaliser. Je suis pourvu, grâce a ma profession, de toutes les graines nécessaires. D'un autre côté, tout imparfait que soit le travail dont me laissent juger ces premiers essais de culture, ils me prouvent que vous possé- dez une bêche et une pioche. Ces instruments me sont fami- liers, et je vous aurai bientôt prouvé de quelle utilité ils peu- vent vous devenir entre mes mains. Si vos provisions de vivres vous permettent de me garder quelques jours auprès de vous, je partagerai mon temps entre l'herborisation et le travail du petit jardin que je m'engage à vous créer, et que je ferai en sorte de vous laisser préparé et ensemencé, sinon en plein rapport, lorsque nous devrons nous séparer. » La proposition parut sourire à l'inconnu, qui l'accepta sans observation. Il fut facile de deviner, à l'expression de sa figure, qu'il se laissait moins aller à la pensée du jardin dont Ulloa s'était efforcé de lui faire entrevoir les agréments et les ressources qu'à celle d'une société affectueuse, venant sans danger pour lui interrompre sa solitude et l'arracher momentanément à lui-même. Les grandes passions sont solitaires, et l'auteur de René a pu dire que les rendre au désert, c'est les rendre à leur em- pire. C'est dans la solitude que Dieu aime à s'entretenir avec l'homme; l'Esprit—saint nous dit: « Je la mènerai dans la solitude et je lui parlerai dans le fond du cœur. » Ducam eam in solitudinem et loquar ad cor ejus. Mais il n'en est pas ainsi pour les âmes dont le trouble vient du remords. Le coupable n'aime pas à se trouver constamment seul en pré- sence de l'accusateur qu'il porte en lui ; tout ce qui l'enlève à son isolement, le soustrait par cela même au juge qu'il redoute le plus : sa conscience. On a remarqué, en effet, que les grands criminels, en général, recherchent les foules, vastes déserts d'hommes où ils aiment à se perdre. L'homme au fusil conduisit son nouveau compagnon non