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TRAITRE OU HÉROS. 237 naïve figure de sa Marguerite. Elle ne devait donc pas res- sentir le parjure d'Antonio comme l'eût ressenti l'amante ré- signée de Faust ; ses yeux ne furent cependant point sans larmes, mais ces larmes coulèrent sur ses joues comme la lave coule aux flancs d'un volcan. Thérésina avait un frère aîné du nom d'Ephisio. C'était une nature qui, en plus d'un point, contrastait avec celle d'Antonio. Aucune élude n'avait adouci la rudesse un peu sauvage de son caractère ; mais il était franc et loyal, et passait pour le plus habile dompteur de chevaux du cap infé- rieur. Il excellait dans le maniement des armes et comptait peu de rivaux dans ces exercices du corps si chers aux Sardes et sur lesquels ils mesurent presque toujours la valeur d'un homme et l'estime qu'ils doivent lui accorder. Thérésina lui remit et. plaça elle-même dans ses mains, sans les accompagner d'un mol, les gages précieusement con- servés par elle de la tendresse d'Antonio : le bouquet, les vers et la branche d'oranger. Elle n'eut pas besoin de dire à Ephisio ce qu'elle attendait de lui. Ephisio se rendit à Sassari, où il reçut la confirmation de la prochaine alliance qu'allait contracter le fils des Montalva. Le même jour il se présentait chez ce dernier. Il entra sans se faire annoncer. A sa vue, Antonio pâlit; immobile et debout, il le laissa s'avancer sans lui adresser un mot. Lo trafilto ii niirô, ma nulla disse ; Egli'l serpente, e quel lui riguardava (1). il. FiiRRAND. (La suite au prochain numéro). (1) « L'ombre frappée le vit. et resta muette ; Le serpent et l'ombre se regardèrent en silence. » DANTE, Enfer, chant xxv.