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                       MATTHIEU UONAFOUS.                        299

au plaisir que j'ai de m'y rendre, vous serez pour moi l'ami pré-
cieux que Boileau souhaite aux poètes.
    «Votre conseil est fort sage, celui d'oublier mon travail, pour
mieux me juger moi-même, et vous m'engagez à traduire dans
l'intervalle quelque autre poème du môme genre.
    « Si ce n'eut été le ver à soie, je n'aurais jamais osé tenter une
traduction en vers français ; le sujet seul m'a entraîné malgré
moi, d'ailleurs quel poète géorgique pourrais-je traduire? Rapin
a été trop décrié par Delille ; le père Vanière s'est trop éloigné,
selon moi, du faire large et poétique de Virgile. Les Italiens met-
tent au premier rang de leurs nombreux poètes géorgiques,
Rucella, l'auteur d'un élégant poème sur les abeilles (le Api),
dont je possède la première édition (1539). Ce poème est à peu
près de l'étendue de celui de Vida (de Bombijce) ; mais comment
chanter les abeilles après Virgile, après son immortel traduc-
teur?
   «Réflexion faite, je pense, mon cher ami, que vous me conseil-
lerez de me borner à châtier, à améliorer mon ver à soie, sans
sortir du cercle modeste et tout prosaïque dans lequel j'ai su me
renfermer jusqu'à ce jour.
  «Notre amitié comptera bientôt une année de plus ; je souhaite
que toutes celles qui lui succéderont vous soient heureuses, et je
me constitue en tout et pour tout,
                                 «votre fidèle ami,
                                         « M. BONAFOUS.


   En 1851, il possédait, dans sa bibliographie séricicole,
cinquante-deux éditions du poème de Vida.
   Ces fragments littéraires ne suffisent-ils pas pour mettre
en reliefles richesses et la simplicité charmante de son style?
Avec quel bonheur l'élégance de l'expression s'unit a la
profondeur de la pensée ! Comme la grâce de l'écrivain vient
au secours des préceptes du philosophe et des recherches du