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MACAULAÃ. 303 a fait au pays plus d'un legs fatal et qu'elle n'est pas la cause unique de ses grandes destinées. Si je me proposais de faire l'étude complète, d'un pareil livre, j'aurais sans doute à examiner et à critiquer bien des appré- ciations ; mais tel n'est pas mon but : je n'y vois en ce moment qu'une chose , un monument de génie , dont je veux étudier l'exécution et les caractères les plus frappants. Macaulay avait vu commencer et grandir avec rapidité ce mou- vement de curiosité nationale qui, en Angleterre comme en France et dans toute l'Europe, tirait de la poussière tant de pages oubliées , les plus précieuses souvent de l'histoire des derniers siècles. Il conçut la pensée d'animer cette poussière et de faire revivre les hommes d'autrefois avec leurs sentiments et leurs passions, leurs idées et leur langage dans le milieu réel où ils avaient vécu. Il voulut reproduire ainsi toutes les agi- tations de la vie et de la pensée humaine, convaincu qu'il ne pouvait y avoir aucune Å“uvre d'un intérêt plus général et plus saisissant. Il avait à lutter contre le roman et le drame ; il entra en lutte avec eux hardiment, et réussit en effet à prouver que l'histoire est supérieure par l'intérêt au drame et au roman, comme la vérité est supérieure pnr l'intérêt à la fic- tion, qui ne peut être qu'une image pâle et affaiblie. C'est déjà un fait remarquable que le roman et le drame, ou- bliant que leur objet essentiel est le développement des passions et des caractères, aient cherché de nos jours un intérêt parti- culier dans des emprunts faits à l'histoire. Le roman et le drame historique ont emprunté à l'histoire tantôt les événemens même, tantôt les noms et les costumes, sinon les sentiments et les idées de leurs personnages. Avec quelque habileté que le procédé ait pu être mis en Å“uvre, au moins par quelques-uns, il ne faut pas hésiter à déclarer le genre faux et dangereux. Qu'est-ce, en effet, qu'un mélange de fiction et de réalité qui ne laisse aucune responsabilité à l'auteur, qui conduit au travestissement des grandes figures historiques, et n'est propre, pour le public le plus éclairé comme pour le moins instruit, qu'à brouiller les idées et à confondre les jugements ?