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 498                          MACAULAY.

  nature humaine, la société change de siècle en siècle, et l'homme
  change avec elle ; ses idées et ses intérêts se modifient et se dé-
  veloppent avec le milieu dans lequel il vit, ses sentiments
  même et ses passions prennent une autre forme. Ce qui était
  naturel devient de convention, et ce qui était de convention rede-
 vient naturel. Aujourd'hui surtout que le monde semble marcher
  plus vite, et que nous voyons sans cesse, dans les régions même
  de l'intelligence, se succéder de nouvelles scènes et se dérouler
 de nouveaux horizons, il est impossible de ne pas apporter dans
 l'étude des chefs-d'œuvre un esprit mobile comme le monde
 lui-même. L'admiration se déplace naturellement.
     Macaulay, mi joignait à l'instruction classique la plus solide
 l'intelligence de son siècle, et qui voulait agir sur ses contem-
 porains, n'a pas craint de heurter vivement quelques-unes des
 banalités d'école. A vingt-huit ans, dans un écrit que ses derniers
 éditeurs ont eu tort de ne pas réimprimer, il passait en revue,
 avec une fantaisie un peu libre, mais originale et pleine de sens,
 les caractères particuliers des historiens anciens. Laissons les
 détails de cette revue rapide. Il n'avait pas de peine à constater
 deux choses : l'une, que les grands historiens anciens,qui se bor-
 nent en réalité à Hérodote, Thucydide et Xénophon , Tite-Live,
 Salluste et Tacite, ont écrit beaucoup plus avec leur imagina-
 tion qu'avec leur raison ; que ce qu'il y a de plus remarquable
 en eux, c'est l'éloquence, c'est la poésie, c'est le drame ; qu'il
 était dès lors très-naturel qu'ils inspirassent mieux nos orateurs,
 nos poètes, nos auteurs tragiques que nos historiens. La seconde,
 c'est que chacun d'eux a compris admirablement l'esprit de
son pays et les nuances particulières du temps où il écrivait.
Hérodote, Thucydide, Xénophon répondent à trois âges diffé-
rents, quoique rapprochés, de la vie des Grecs, à trois phases
distinctes de leur histoire nationale. Tous les trois, ils ont par-
tagé et flatté les sentiments que les Grecs avaient d'eux-mêmes ;
ils ont parlé des barbares, c'est-à- dire de ce qui leur était étranger,
avec les mêmes illusions et 16 même mépris. Tite-Live, Salluste,
Tacite, avec des nuances analogues, ont généralement plus de
largeur dans les vues ; car les idées des Romains s'étendaient