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                            BIBLIOGRAPHIE.                      431

 se trouve-t-il étonné, devant des procédés aussi simples, de la
 pitié progressive qui s'empare de lui et qui arrive à un doulou-
 reux paroxysme quand il touche aux limites du poème : alors il
 ferme le livre, rêve longuement de cette étrange destinée de
 reine, et se reprend à lire les chapitres qui l'ont le plus vive-
 ment ému, car si le poète est sobre de pathétique, il le ren-
 contre naturellement et sans effort, et s'élève, dans plusieurs
 passages, à des peintures saisissantes. Divers journaux ont, dans
 les appréciations de cette œuvre, signalé et cité des fragments
 de cette nature. Nous citerions, nous, si nous n'étions limité,
 plusieurs morceaux d'une grande valeur comme expression nette
 et pleine de relief des secrets d'Etat. On y reconnaît l'auteur
 de Régine, rompu aux affaires publiques. Le discours de la reine
 Marie-Thérèse annonçant à son conseil les motifs politiques du
 mariage de sa fille avec le Dauphin de France, eu est un remar-
 quable modèle.
    Puisque l'espace que nous octroie la gracieuse hospitalité de la
Revue est nécessairement restreint, bornons-nous seulement à
détacher un de ces passages où le poète excelle à enchâsser
 comme dans une mosaïque, les mots cornéliens et historiques
tombés de la bouche de la reine martyre.
    C'est après la journée du 6 octobre ; l'auteur indique la part
de chacun dans cette sanglante saturnale. Le peuple est excusable,
il est égaré : quant aux fauteurs de cette scène, l'histoire les
jugera ; mais écoutons :
         Mais à chacun sa tâche, et l'histoire implacable
         Doit seule, en séparant l'égaré du coupable,
         Prononcer sur des noms son arrêt solennel.
         Si l'acle fut perfide, odieux, criminel ;
         Si cette nuit d'octobre, impossible à décrire,
         Fit tomber, sous les coups d'assassins en délire,
         Aux portes du palais do nobles défenseurs,
         Et si la reine enfin vit que ses oppresseurs
         Voulaient sa vie, après l'avoir tant outragée ;
         Souvenons-nous qu'un jour, pouvant être vengée,
         Son âme s'est émue et son cœur a crié :
         J'ai tout su, j'ai tout vu, mais j'ai tout oublié.

                                        Maurice   SIMONNEÃ.