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TRAITRE OU HÉROS ? 407 le but, objet de ses recherches, ETlIoa se mit à gravir la côte qui devait le rapprocher de l'inconnu. En stratégiste con- sommé, il s'achemina avec la lenteur insouciante d'un voya- geur que ne presse pas le temps et qui n'a pas à se hâter, s'arrêtant de distance en distance, se penchant sur le sol, l'examinant avec soi met se baissant pour y cueillir des plantes qui paraissaient absorber toute son attention. Mais le bruit de ses pas, comme il le prévoyait, avait été entendu, et l'homme au fusil avait subitement disparu. Ulloa ne mit pas en doute que l'apparition ne se fût ainsi effacée que pour se mettre en garde et l'épier plus commo- dément, et il continua son ascension avec la certitude que le regard de l'inconnu suivait chacun de ses mouvements. Cependant, tout en cueillant des herbes et les plaçant avec soin dans la boîte en ferblanc dont il était muni, il attei- gnit à un petit plateau perdu entre de hauts rochers qui le défendaient de toutes parts, et dont le sol offrait des signes incontestables de culture; quelques plantes potagères y appa- raissaient çà et la. Le pèlerin résolut d'y faire halle et d'attendre. Il fut à l'instant convaincu que le pauvre jardin qu'il avait sous les yeux lui révélait le séjour rapproché de l'homme au fusil, et qu'en ce moment même cet homme n'était probablement qu'à quelques pas de lui. Ulloa s'assit donc, tira de sa boîte les simples qu'il y avait renfermées, se mita les choisir et à les classer, les lia en petits paquets, puis chercha un morceau de pain au fond de son hâvre-sac, et après en avoir mangé la moitié et soigneu- sement serré le reste, il but de l'eau que contenait sa gourde, accorda sa lyre et en accompagna le chant d'un cantique qu'il entonna à haute voix. Ce qu'il avait prévu ne tarda pas à se réaliser. L'homme au fusil, jusque-là caché derrière un pan de rocher, apparut tout à coup.