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408                   TRAITRE OU HÉROS?

   Le pèlerin ne se leva pas, mais le salua d'un placide
sourire de bienvenue, comme salue celui qui, sûr de n'ins-
pirer aucune défiance, se senl a l'abri de loute disposition
malveillante et n'a rien à redouter lui-même d'une sur-
prise.
   La conversation ne tarda pas à s'établir entre les deux
hommes comme si le hasard seul les eût réunis dans
la môme solitude. Après quelques questions échangées
de part et d'autre avec un ton de bienveillance réciproque,
le Romieux parla de ses voyages, offrit un chapelet et des
médaillés à sa nouvelle connaissance et lui raconta que de-
puis plusieurs jours, occupé à herboriser dans ces montagnes,
il allait être obligé de les quitter sans avoir complété sa
collection, ayant malheureusement épuisé ses vivres et tou-
chant à son dernier morceau de pain.
   — « Tu partageras le mien, » dit l'inconnu.
   — « J'accepte, et que plus puissant que moi vous le rende,
si ce n'est en ce monde au moins dans l'autre ! répartit Ulloa.
   « Le proverbe dit que le pain qu'on reçoit sans pouvoir
le payer est amer. Il est amer, en effet, quand c'est l'orgueil
qui le donne et que c'est l'orgueil qui le reçoit, car le bien-
faiteur et l'obligé ne s'entendent point, en ce cas, sur le
prix du bienfait. Mais le contraire arrive entre nous; et
c'est précisément parce que vous croyez me donner peu et
que j'ai le sentiment de recevoir beaucoup dans ce pain si
fraternellement offert, qu'il me serait pénible, je vous l'avoue,
de vous trouver ainsi généreux sans aucun moyen de vous être
agréable à mon tour. Ce moyen, je l'aurai peut-êlre; laissez-
moi vous le proposer. Je vois ici, tout autour de moi, des
herbages qui n'y sont point venus spontanément ; ils me di-
sent que la main de l'homme, et probablement la vôtre, a
passé par là, et m'annoncent de votre part le besoin ou
tout au moins l'intention de former un jardin. Celte inlen-