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406 TRAITRE OU HÉROS? plus hardi, toute fois, que l'amant deBéatrix, quoique seul, sans défense et sans guide, il ne s'arrêta point comme lui effrayé de la tïmérilé de son entreprise, mais, envisageant d'un œil ferme les périls du voyage, il ne resta qu'un instant sous l'empire de sa première émotion. Utloa employa une semaine entière a parcourir les déserts de l'austère Thébaïde qui s'étendait sans fin autour de lui, attentif a tous les bruits, recueillant d'une oreille avide ces mille voix lointaines et confuses que le vent fait gémir dans les bois ou sortir des flancs caverneux des monts, recherchant des traces de pas et en surprenant les empreintes dans les moins perceptibles apparences ; éludiant tous les indices qui pouvaient lui révéler la proximité d'un séjour humain, avec une patience et une sagacité qui eussent fait honneur au plus expérimenté Mohican. De temps en temps, il s'asseyait, pre- nait sa lyre et s'étudiait à en tirer d'éclatants accords, que les échos prolongeaient au loin en se les renvoyant. Il espé- rait que cessons inaccoutumés provoqueraient l'attention de celui qu'il cherchait, le feraient se montrer quelque part, ou, tout au moins, attireraient quelque hôte de la montagne, dont il saurait ensuite obtenir avec adresse des indications utiles. Mais l'écho seul répondait aux appels de la lyre, et, dès qu'elle cessait de se faire entendre, le désert redeveuait muet, et son silence n'était plus interrompu que par le bruit loin- tain de quelque cascade ou la fuite précipitée de quelque bête fauve. Un jour, enfin, vers le coucher du soleil, il aperçut au- dessus de lui, sur la crête d'un pic élevé qui dominait la mer, un homme assis, contemplant l'horizon lointain, un fusil couché en travers sur ses genoux. Sans le perdre de vue un instant, mais sans paraître le fixer avec l'attention d'un homme qui vient de voir poindre