page suivante »
A IA'ON. 401
de nos jours, croiraient se compromettre s'ils ne présentaient
qu'un simple projet de restauration, s'ils n'essayaient, pour
donner une haute idée de leur savoir faire, d'amplifier le pro-
gramme qui leur est indiqué par une prudente réserve.
Lorsqu'il s'agit de compléter sur quelques points d'un monu-
ment, la pensée absente de l'architecte fondateur, nous trouvons
tout naturel que l'artiste chargé de ce travail se permette quel-
ques excursions dans le champ des hypothèses ; il peut même
s'égarer quelquefois et s'écarter de l'idée première qu'il recher-
che, sans qu'on puisse lui en faire un reproche ; mais lorsqu'un
monument est complet et qu'il ne demande qu'une simple réfec-
tion de ses ornements mutilés, le rôle de l'architecte est tout
indiqué d'avance ; il doit se borner à la conservation pure et
simple du monument.
M. Benoît, moins que beaucoup d'artistes peu connus, avait
besoin pour conserver la réputation qu'il s'est si justement
acquise, d'avoir recours à une telle mise en scène de décoration ;
le tact parfait dont il a fait preuve en maintes circonstances et
notamment dans sa restauration de l'église d'Ainay, aurait dû
lui suggérer un tout autre projet; il eût pu, sans difficulté, con-
cilier les justes exigences de la situation avec celles non moins
recommandables de la science archéologique.
Quoique simple et sévère, la façade de l'église des Cordeliers,
restaurée seulement dans ses parties dégradées et mutilées,
revêtue d'un placage en assises appareillées, eût été fort sup-
portable, et si elle n'eût pas eu le pouvoir de charmer les regards
chatouilleux de certains partisans exaltés de l'ornementation
quand même, elle aurait conservé au moins sa raison d'être et
ses rapports logiques avec l'ordonnance générale de l'édifice.
On a voulu à tout prix faire disparaître la vieille robe du
religieux, usée par le temps et lacérée par la main de l'homme,
quand il eût été plus rationnel de la renouveler; mais on ne
la trouvait plus de mise, du moment qu'elle allait se montrer
en face du somptueux Palais du Commerce : un tel voisinage
exigeait impérieusement, de par les lois de la bienséance, une
tenue qui sentit moins son origine monacale. Aussi, s'est-on
26