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                      MATTHIEU BONAFOUS.                     38a

   Comme toutes les nobles âmes, la sienne éprouvait un
entraînement indicible vers la souffrance et le malheur.
   C'est que pour quelques organisations bien rares aujour-
d'hui, les heureux ne comptent pas, les infortune's seuls ont
droit a leur pre'fe'rence.
   C'est qu'il comprit et accomplit en esprit et a la lettre, ce
précepte sublime de l'Écriture qui contient toutes les joies
pures et toutes les morales ; ce dogme universel si connu
et si peu pratiqué, que le chritianisme prêche en vain
depuis bientôt dix-neuf siècles :
  Aime Dieu far dessus tout, et ton prochain comme toi-
même.
   Loi divine qui fait de la charité, la plus utile, la plus pré-
cieuse des vertus ; que chacun admire, et que tout le monde
oublie.

                               II.

   Matthieu Bonafous vivant au milieu d'une aristocratie de
talents et de castes, aimait naturellement la fréquentation
des gens distingués, non par vanité, mais par. goût. — Il
tenait aux formes polies, à la considération, au témoignage
de l'estime publique, autant par esprit de justice que par
éducation; mais la servilité des honneurs l'effrayait.
   Deux fois il refusa la gloire de siéger a Turin dans la
chambre des députés. — Il ne crut pas devoir accepter le titre
de baron que le roi Charles-Albert lui avait généreusement
offert. — Malgré ses droits incontestables et incontestés, il
ne demanda jamais rien pour lui-même, et n'accepta que ce
qui lui était légitimement dû.
   Et cependant, c'était lui qui avait introduit en Piémont la
race des chèvres du Thibet, la culture de la betterave, celle
du topinambour, du poligonum linctorium, du chanvre, l'as-
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