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318 TRAITRE OU HÉROS? beaucoup plus implacable d'une famille puissante, il ne tarda pas à connaîire (ouïes les misères de la vie à laquelle il s'é- lail condamné. Il leur opposa un courage au-dessus de toute épreuve et souvent au moment même où l'on s'attendait à le voir se rendre vaincu par la faim, la soif et la fatigue, il recueillait brusquement sa vigueur et échappait aux soldais acharnés à sa poursuite, par le suprême effort de la plus in- croyable audace. Cerné un jour de toutes parts par une com- pagnie entière de chevau-légers, et ayant épuisé contre eux sa poudre et ses balles, il s'ouvrit, le poignard à la main, un passage à travers leurs rangs, au moment où ces rangs, de plus en plus resserrés, semblaient ne lui laisser aucune issue possible. Son agilité tenait du prodige et l'on montre un gouf- fre béant, d'une largeur effrayante qu'il franchitsans hésiter, dans une fuite précipitée, mettant ainsi l'abyme entre ses pour- suivants et lui. Il monta donc rapidement au rang de héros populaire, ce que l'on comprendra mieux encore après ce que je vais dire 11 existe en Sardaigne une classe de poètes ambulants, dont une grande partie se compose d'aveugles et qui rappel- lent d'une manière frappante les rapsodes grecs. La plupart d'entre eux ne se contentent pas d'apprendre par cœur les poésies d'aulrui et de meubler leur mémoire de tout ce qu'elle peut contenir de chansons et devers, mais poêles eux-mêmes et toujours errants, aucun fait un peu saillant ne leur échap- pe dans les localités qu'ils traversent. Ils tiennent noie de tout , chantent tout ce qui peut leur fournir un chant populaire, et avec leurs chants se répandent dans l'île, el le récit, les aventures et la renommée des hom- mes qui en font le sujet ; ce sont les véritables poètes et les seuls historiens du peuple. Les dramatiques événements qui se rattachaient au nom d'Ephisio, son fabuleux courage dans la lutte désespérée