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                       TRAITRE OU HÉROS1'                     317

    Tout à coup s'élève et éclate de leurs rangs un cri aigu de
 surprise et de douleur suivi de pleurs, de sanglots et de gé-
 missements ; toutes a la fois dénouent leurs cheveux et les
 font flotter sur leurs épaules; les unes lèvent convulsivement
 les bras au ciel ; d'autres tombent à genoux, se prosternent
 et se roulent sur le plancher, dans l'exaltation du plus violent
désespoir.
    Mais bientôt, un calme momentané succède à ces démons-
 trations bruyantes; la prœfiea se lève comme inspirée, son
visage se colore, sa paupière laisse échapper des flammes ;
elle commence en vers l'éloge du défunt. Elle le déclame en
cadence, sur un rhythme lugubre et finit chaque strophe par
ces trois cris toujours les mêmes : ahi ! ahi ! ahi ! répétés par
toutes ses compagnes. Après avoir fait ressortir les brillantes
qualités d'Antonio, l'avenir auquel il était destiné, elle peint
en traits émouvants le bonheur que lui promettait l'heureux
hymen dont le crime vient d'éteindre le flambeau à peine allu-
mé ; le deuil de la jeune veuve, la vieillesse sans consolation
des parents dont la main d'un fils ne fermera pas les yeux ;
puis, se redressant tout à coup, et poussant comme le cri fé-
rocede l'aigle qui hérisse ses plumes et fond sur son ennemi,
elle entonne l'hymne de vengeance contre le meurtrier et
semble agiler sur lui la torche des Furies. Quelques minutes
se sont à peine écoulées, que l'assistance toute entière, éleclri-
sée et frémissanle, lui répond par un seul et même cri de mort
et l'improvisatrice elle-même ployant sous la fatigue de l'exal-
tation à laquelle elle est parvenue, tombe évanouie sur le
corps d'Antonio.

  Nous avons tout à l'heure accompagné Ephisio dans les
montagnes ; c'est vers lui maintenant que nous allons nous
reporter.
  Poursuivi à la fois parla vindicte publique et la vengeance